Imoca La Mie Câline – Artisans Artipôle
Arnaud Boissières : "Quatre Vendée Globe, c’est génial, mais je ne suis pas Jean Le Cam"
jeudi 11 février 2021 –
C’est dans un froid glacial, au début du jour qu’Arnaud Boissières a bouclé son 4e Vendée Globe consécutif. Le skipper de La Mie Câline-Artisans Artipôle, empreint de modestie et de respect pour cette course, vient d’en marquer l’histoire : il est le premier à avoir bouclé quatre éditions consécutivement. En raison de la marée, il patiente à l’entrée du chenal qu’il embouquera à 14h00. Le marin n’était en effet pas encore prêt à quitter sa machine, même pour quelques heures.
Pour comprendre la magie du Vendée Globe, il suffit de croiser le regard d’Arnaud Boissières, d’écouter ses mots, de s’attacher à ses silences et de comprendre qu’il s’agit du défi d’une vie. Cela fait douze ans que le nom de ‘Cali’ figure sur le classement de la plus éprouvante des courses en solitaire. Mais son histoire avec le tour du monde du monde a débuté bien plus tôt, en 1989 exactement. Arnaud a 17 ans, touché par la maladie, son père décide de l’emmener au départ, humer l’air des pontons et s’approcher un peu de ces aventuriers qui filent vers l’horizon et traversent les océans.
Les Sables d’Olonne, ville de cœur et port d’attache
Cette participation, initiée avant même le départ du précédent Vendée Globe en portant une option d’achat sur un bateau (2016), démontrait un peu plus l’attachement de l’Arcachonnais d’adoption pour sa ville de cœur, les Sables-d’Olonne. Le marin de La Mie Câline - Artisans Artipôle a créé une relation forte avec les gens d’ici, le port où débute ses rêves est devenu son port d’attache. L’atelier à une poignée de mètres du ponton, les commerçants qui affichent dessins et posters d’Arnaud et de son bateau… ‘Cali’ s’élance depuis chez lui.
« Nous sommes en mission ! »
Mais le moment est étrange, différent, la ville est trop calme pour un départ. Et la responsabilité n’est plus la même quand la population est confinée et assiste au départ de femmes et d’homme sur les océans. Arnaud perçoit une responsabilité supplémentaire et il l’explique quelques jours avant le départ : « nous sommes en mission, porteurs d’une liberté absolue, d’un quotidien unique à l’écoute des éléments, explique-t-il quelques jours avant le grand départ. Le public s’évertue de nous le rappeler en nous disant « ’faîtes-nous rêver’ ! »
Pour y parvenir, Arnaud sait qu’il faut aussi tenir. En plus des fronts qui se succèdent dans les premiers jours de course, il doit monter au mat pour réparer un problème de hook. Rien n’est facile : la descente de l’Atlantique et ses trop nombreuses zones de calmes, les conditions harassantes de l’océan Indien et le Pacifique qui n’en a que le nom. Le vent n’en finit plus de changer d’intensité, erratique et incontrôlable, ce qui oblige à une veille permanente et à résister à ces moments où « le bateau tapait dans tous les sens ».
Abnégation et petites attentions
Face aux galères, aux séances de bricolage, aux dépressions à contourner et aux grains à affronter, le skipper de La Mie Câline-Artisans Artipôle s’accroche. Surtout, il conserve un optimisme qui résiste à tout. Après deux jours à batailler dans des conditions toniques avec des rafales à plus de 40 nœuds dans les mers du Sud, il explique : « je ne vois pas ça comme une galère ». Une poignée de jours plus tard, même constant : « je suis heureux de nature et forcément content parce que je continue à avancer et que je suis toujours en course ».
‘Cali’ au Vendée Globe, c’est aussi un ton qui laisse deviner un large sourire et des mots, toujours, pour ceux qui se sont embarqués dans la même aventure. Il félicite ainsi la Britannique Pip Hare après sa réparation de safran et se montre élogieux avec son pote Yannick Bestaven qui l’a emporté. Les deux hommes ont souvent échangé. « C’est mon héros », disait Arnaud au cœur de l’hiver.
‘Cali’, bien plus qu’un aventurier
La motivation n’a jamais été ébranlée et elle se mesure en fin de course durant la remontée de l’Atlantique. Arnaud fait partie d’un groupe de six au coude-à-coude. « C’est notre final à nous, on se bat comme des chiffonniers », dit-il. Et dans ce « match dans le match », La Mie Câline-Artisans Artipôle va révéler des trésors de tactique au point de distancer Alan Roura et Stéphane Le Diraison, puis de batailler jusqu’au bout avec Kojiro Shiraishi avant de franchir la ligne d’arrivée en tête du groupe ce jeudi matin.
Caractériser ‘Cali’ comme un aventurier occulterait ses trajectoires, ses choix météorologiques et sa forte motivation. C’est un compétiteur, capable de mener un bateau dont la carène date de 2007 durant un tour du monde. C’est un « homme pressé », du titre de la chanson de Noir Desir qu’il a choisi pour être diffusé à son arrivée sur les pontons. Moins de 24 heures avant l’arrivée, concentré sur ses derniers bords, le marin esquisse un premier bilan. Il évoque « le privilège de finir le Vendée Globe ». Et puis il y a l’avenir, la prochaine édition dans quatre ans et l’envie d’y participer encore. ‘Cali’ se réjouit déjà. « Oui, je pense à l’après, je voudrais faire une nouvelle campagne avec un bateau un peu plus moderne ». Le Vendée Globe donne des ailes et Arnaud compte bien en profiter à nouveau et continuer, quelques années encore, à valoriser avec humilité et émotions ses partenaires, les membres de son équipe et ses proches. C’est grâce à eux, à tous ceux qui se sont démenés, qu’il est aussi parvenu à écrire ce nouveau chapitre de l’histoire du Vendée Globe.
INTERVIEW
« C’était extraordinaire, intense, toujours au contact ! On s’y attendait un peu car le niveau de jeu est élevé et la préparation des bateaux aussi. Derrière, nous étions aussi à la bagarre, c’est ce qui a fait le charme de la course, mais c’est aussi pour ça que je suis fatigué. Nous nous sommes fait une belle régate notamment avec Alan (Roura) depuis le cap Horn. C’est ce que je recherchais aussi !
Quatre Vendée Globe, c’est génial, mais je ne suis pas Jean Le Cam. Jean est hors normes, j’ai tellement de respect pour lui, en faire autant que jean c’est génial ! Chaque tour du monde est différent, le projet était différent, l’approche était différente avec ce bateau modernisé même si je ne bataillais pas pour les premières places. Je m’étais mis une pression supplémentaire sur ce Vendée Globe. Faire un quatrième Vendée Globe d’affilée, c’est chouette, je rentre dans l’histoire, mais chacun a son histoire sur cette course. C’est tellement beau et fort ! Celui-là restera gravé dans ma mémoire. On a bataillé comme des fous avec Alan (Roura), Stéphane (Le Diraison), Kojiro (Shiraishi) et Pip (Hare). Elle est extraordinaire, elle a toujours la positive attitude ! On ne part pas en mer par nécessité, on décide d’y aller !
Oui, j’ai un 5e Vendée Globe en ligne de mire. Cela permet de rester dans une dynamique, je vais vivre bien "l’après" du coup. J’aimerais un bateau un peu plus performant, au moins de la génération 2016. J’ai deux-trois petites idées ! Il faut en discuter avec les partenaires. Et puis, cette année, c’est mon pote qui gagne. Yannick, c’est mon ami d’Arcachon, ami d’adolescence. On en parlait depuis longtemps, du Vendée Globe. Je suis trop content pour lui, c’est comme si je l’avais gagné un peu aussi ! Ce Vendée Globe a vraiment une saveur particulière… »
LES CHIFFRES DE LA COURSE
- Temps de course : 94 jours, 18 heures, 36 minutes et 06 secondes
- Parcours théorique : 24 365 milles à la vitesse moyenne de 10,71 noeuds
- Distance parcourue : 28 457 mille à la vitesse moyenne de 12,50 noeuds
Temps de passage :
– Equateur (aller)
- 21e le 23/11/20 à 13h31 UTC, 5 jours 12 min après le leader
– Cap de Bonne-Espérance
- 19e le 06/12/20 à 20h15 UTC, 5 jours 21h 04 min après le leader
– Cap Leeuwin
- 16e le 22/12/20 à 01h54 UTC, 8 jours 14h 28 min après le leader
– Cap Horn
- 15e le 11/01/21 à 11h35 UTC, 8 jours 21h 52 min après le leader
- Equateur (retour) 15e le 27/01/21 à 04h 37 UTC, 10 jours 09h 25 min après le leader