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Transat Jacques Vabre

93% de réussite pour les trimarans entre Le Havre et Bahia

Groupama s’impose devant 13 autres 60 pieds

jeudi 20 novembre 2003Information Transat Jacques Vabre

Treize trimarans sont arrivés dans le port de Salvador de Bahia et cette sixième édition de la Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 est déjà riche en enseignements : la course a été marquée par un seul abandon, le rythme a encore été plus rapide que jamais, la casse a été limitée et touche principalement les appendices, la victoire revient au plus ancien des multicoques, Groupama.

Arrivée du trimaran de Jean Le Cam à Salvador de Bahia
Photo : B.Stichelbaut / Bonduelle

Côté performances, la barre est placée encore plus haut pour cette deuxième édition de la Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 vers Bahia, même s’il faut souligner que les trimarans n’ont pas eu à virer l’île d’Ascension, ce qui a réduit le parcours de 5 190 milles en route directe en 2001 à 4 340 milles cette année. Groupama avait effectué une moyenne de 15, 04 nœuds sur quatorze jours et neuf heures de mer il y a deux ans. Il réalise 16,49 nœuds de moyenne sur un peu moins de 11 jours de course ! Soit plus de 9,6% de mieux : la Jacques Vabre est encore la plus rapide de toutes les transats Est-Ouest.

La victoire de Groupama, le plus ancien de toute la flotte des trimarans avec Biscuits La Trinitaine, peut surprendre face à une nouvelle génération encore plus performante. Il ne faut toutefois pas oublier que Franck Cammas et son équipe technique n’ont cessé de modifier et d’optimiser ce plan van Peteghem-Lauriot Prévost depuis sa mise à l’eau en juillet 1998. Cette saison, les nouveaux foils encore plus courbes associés à un nouveau jeu Jeu #jeu de voiles ne sont pas sans effets sur l’amélioration du comportement de Groupama. Aux dires de son skipper, le bateau reste très rapide au près, sous gennaker et dans le petit temps, mais pêche un peu au travers. En fait, Groupama est moins large donc moins puissant à cette allure qui privilégie le couple de rappel : les derniers jours dans les alizés de Sud-Est le montre clairement. Belgacom était nettement plus à l’aise et beaucoup plus véloce (jusqu’à 4-5 nœuds de mieux) tout comme Banque Populaire qui a tout de même couvert 613 milles en 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures (le record Record #sailingrecord en trimaran de 60 pieds est détenu par Bayer avec l’équipe d’Yvan Bourgnon lors de Québec-Saint Malo 2000 avec 625 milles). De ce point de vue, les nouveaux foils courbes sont un incontestable plus comme le constatait Marc Guillemot sur Biscuits La Trinitaine ou Fred Le Peutrec sur Bayer CropScience (foils droits) et même Loïck Peyron sur Belgacom qui suggérait qu’un peu plus de surface de foil Foil #foil aurait été un bonus supplémentaire.

Enfin, tous les équipages s’accordaient à dire à l’arrivée que le rythme était encore plus soutenu qu’il y a deux ans et que l’Atlantique est devenu un plan d’eau de régate. Il n’y a qu’à se pencher sur les écarts à l’arrivée pour le confirmer : dix bateaux arrivent en moins de 22 heures alors qu’il y avait déjà 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures d’écart entre le premier (Groupama) et le quatrième (Bonduelle) en 2001. L’avance de Groupama cette année n’est que de 1h 12’ sur Belgacom et de 4h 10 sur Sergio Tacchini et même Sopra Group arrive avec 17 minutes d’écart derrière Foncia ! Et pourtant, il y avait de quoi créer du différentiel au regard des conditions météorologiques : une sortie de Manche express (10 heures pour atteindre Ouessant après le départ du Havre), une bonne grosse dépression au large du golfe de Gascogne, une zone de molle dans une dorsale positionnée entre Madère et Canaries, des alizés soutenus jusqu’au Sud du Cap Vert, un Pot au Noir plutôt resserré mais très actif avec grains violents et grands calmes, un finish sur les chapeau de flotteur avec une mer courte et travers.

93% de réussite

Premier point positif : après les premières pages de certains quotidiens qui s’interrogeaient sur la fiabilité de ces multicoques de 60 pieds dont on disait qu’ils n’étaient plus conçus que pour tourner en rond autour de trois bouées par moins de 25 nœuds de vent et mer plate, il faut bien constater que treize trimarans sur quatorze au départ du Havre le 5 novembre sont dans le port de Salvador de Bahia, soit après moins de treize jours de mer. Cela représente 93% de réussite : pour un sport mécanique avec des conditions météorologiques plutôt musclées, sur un parcours de 4 340 milles, c’est plutôt encourageant, voir exceptionnel ! Cela semble même une première vis à vis de la course océanique d’Est en Ouest et même face aux circuits automobiles ou motos…

Les enseignements de la dernière Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum ont donc été tirés mais il n’en reste pas moins que plusieurs trimarans ont connu des problèmes techniques au point de faire une escale. TIM est le seul qui a dû jeter l’éponge, suite à une avarie de bras. Pour le reste de la flotte, les problèmes ont surtout touché les appendices pour semble-t-il plusieurs raisons : d’abord, la percussion d’un objet flottant entre deux eaux, impossible à prévoir ni à voir, et aux vitesses atteintes par les trimarans, très destructrices pour tout ce qui est immergé (dérive, safrans, foil Foil #foil ).

Premier touché, Sodebo qui doit faire un pit-stop à Roscoff pour changer son foil tribord. Mais le safran de flotteur est aussi abîmé comme l’équipage le constatera dans les jours suivants : il doit le démonter avant de le remettre en place dans une molle. Il semble que par voie de conséquence, le safran de coque centrale a été plus sollicité, ce qui a entraîné des fissures sur les ferrures de fixation qui ont fini par casser une journée avec l’arrivée à Bahia. C’est ensuite Banque Populaire qui voit son safran de flotteur descendre à moitié puis Bonduelle qui percute un objet qui casse les fixations du safran central : arrêt obligatoire à Porto Santo. Banque Populaire n’aura plus de problème d’appendices jusqu’à l’arrivée mais Bonduelle verra de nouveau ses fixations se romprent, entraînant ensuite le bris du safran de flotteur. Banque Covefi perd aussi un morceau de dérive après son re-départ de Cherbourg. Groupama aura un morceau de foil en moins comme l’indiquera Franck Cammas à son arrivée tout comme Géant qui avait perdu son safran de flotteur sous le vent après le Pot au Noir, comme le révélera Michel Desjoyeaux à Bahia.

Il est impossible sur un multicoque lancé à plus de 20 nœuds de connaître exactement les circonstances d’un choc car le bruit du bateau couvre le son d’une percussion : seul le barreur est apte à sentir l’effet d’un choc sous-marin. Il y a aussi le fait que les safrans à grande vitesse Vitesse #speedsailing sont extrêmement sollicités : s’il y a ne serait-ce qu’un léger décalage d’alignement ou un déséquilibre de compensation (un choc entraîne cette conséquence), la chaîne est brisée et les efforts se répartissent plus fortement sur l’un d’entre eux, jusqu’à son bris.

Les autres problèmes techniques sont limités aux voiles (trinquette déchirée sur Foncia et Sopra Group), au gréement (drisse de grand voile pour Foncia, estrope de hauban sur Belgacom, bastaque sur Gitana), à une voie d’eau (carénage de bras délaminé pour Bayer à cause d’une fuite par le puits de foil tribord entraînant une voie d’eau, donc un surcroît de poids sur la structure), à un balcon avant tordu (provoquant le détachement du bout dehors de Groupama). Mais la plupart de ces soucis ont pu être résolus en mer par les équipages sans trop de perte de temps. Ces problèmes techniques restent aussi logiques dans une compétition relevée, avec des conditions dures et un parcours long.

Bref, cette sixième édition de la Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015 confirme pour les multicoques que « l’effet Rhum » a bien été intégré, que les équipages en double sont capables de tenir des cadences proches de celles d’un équipage complet, que la différence se fait sur de petits problèmes techniques mais essentiellement sur de petits coups tactiques : à preuve, la victoire de Groupama est aussi liée à sa trajectoire superbe avec son petit décalage dans le Sud au sortir du golfe de Gascogne, son option plus Ouest au passage des archipels de Madère et des Canaries, son enchaînement d’empannages après le Cap Vert pour viser le bon couloir dans le Pot au Noir.

Dominic Bourgeois / Pen Duick

 



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