Tels des funambules des mers, les dix trimarans en course ont franchi la ligne de départ sur un flotteur, coques fumantes. Lancés à plus de 30 nœuds en pointe, les duettistes ont immédiatement donné le tempo de cette 7^e Transat Jacques Vabre Transat Jacques Vabre #TJV2015  : allegro. Premiers à franchir la ligne, la paire Bourgnon/Caudrelier (Brossard) a réalisé quelques impressionnantes figures de style. 2,5 milles et 7min. 48s après le départ, le duo franco-irlandais Le Cleac’h/Foxall (Foncia) contournait la bouée Général Metzinger en tête, devant Groupama et Orange Project. Pour Bidégorry/Lemonchois (Banque Populaire), le départ fut plus laborieux. Légèrement arrêté avant le coup de canon, le trimaran bleu a tardé à s’élancer, occupant immédiatement la queue de la flotte. La nuit prochaine s’annonce mouvementée pour la flotte des multicoques qui va rencontrer, à l’image des monocoques la nuit dernière, des vents soutenus et une mer très agitée entre la Bretagne et les côtes anglaises. Chez les multicoques Classe 2 (50 pieds), le père et le fils Escoffier, Franck-Yves et Kevin (Crêpes Whaou !), ont pris la tête dès le départ et pourraient bien l’occuper jusqu’à l’arrivée tant leur nouveau trimaran survole ses adversaires.

Pour les monocoques, la nuit de samedi à dimanche fut particulièrement agitée. « On a morflé cette nuit » raconte Roland Jourdain (Sill et Veolia). « Ça cartonnait » résume Yann Eliès (Cheminées Poujoulat). Dans la nuit, le vent de Sud-Ouest est monté à plus de 45 nœuds en rafale. La mer, particulièrement démontée, n’a pas ménagé non plus les équipages. Dimanche après-midi, les premiers, Sill et Veolia et Ecover en tête, traversaient le fameux - et dangereux - rail des cargos d’Ouessant. Quelques soucis techniques (point d’amure d’ORC et lattes de grand-voile) ont fait perdre quelques milles dans la nuit au duo de Bonduelle. Mais Jean Le Cam et Kito de Pavant sont rapidement remontés de la 8^e à la 4^e place dans la journée de dimanche.

La prochaine nuit s’annonce légèrement plus calme pour les monocoques, contrairement aux multis. Cette zone de transition sera de courte durée. Dès lundi après-midi, un deuxième front froid actif devrait balayer la flotte avec des vents à plus de 45 nœuds. Encore 48 heures difficiles avant de pouvoir ouvrir les voiles et faire sécher les cirées dans les alizés portugais. Chez les 50 pieds monos, Kip Stone et Merfyn Owen (Artforms) sont talonnés par l’autre duo anglo-américain, Joe Harris et Josh Hall (Gryphon Solo). Les deux leaders ont déjà bien creusé l’écart avec leurs poursuivants.

Loïc Le Bras

 Jean-Pierre Dick - Paprec/Virbac : "Nous avons eu beaucoup de vent cette nuit avec des rafales à 45 noeuds. C’était sport à bord quand on a réduit les voiles. D’autant que la mer était complètement folle. Elle était très forte et cassante. Le bateau n’a pas arrêté de taper violemment : un vrai shaker. Résultat : nous n’avons pas encore dormi et notre système digestif n’est pas encore amariné. Nous sommes fatigués avec Loïck et on va essayer de se reposer dans la journée car les prochaines heures vont être agitées. Nous attendons un deuxième front demain avec des vents forts dans le Golfe de Gascogne. Derrière cela nous attendent les longs surfs mais d’ici là il va falloir être bon en stratégie."

 Roland Jourdain : « Cette nuit, nous avons morflé à bord de Sill et Veolia Environnement Environnement . Nous n’avons rien cassé. Tout va bien. Actuellement, Ellen est la barre et nous naviguons un ris et trinquette . Mais, le vent est tellement variable que nous manoeuvrons pas mal au niveau de la prise de ris. Il y a toujours un peu de mer mais ça va. Nous allons profiter du moment présent avec un coin de ciel bleu et des quelques heures de répit que l’on a devant nous. C’est un peu comme une machine à laver : après le lavage, l’essorage ! Ellen et moi allons engranger tout ce que l’on peut de sommeil avant demain après midi (ndlr : lundi) car le deuxième front va nous cueillir et nous accompagner jusqu’à mardi matin. Là, il atteindra toute sa puissance ! C’est le prix à payer pour le ticket vers le portant ! »

 Ellen MacArthur : « On n’ a pas eu une nuit facile. Le vent a forci toute la nuit jusqu’à atteindre 56 noeuds au plus fort ce matin ! Ca a vraiment été sport ! Nous n’avons pas dormi, pas de bannette ! Maintenant, ça va un peu mieux au niveau de la mer mais elle n’est pas encore régulière. Ca devrait se calmer dans les prochaines heures... Ca fait du bien d’être deux à bord dans ces moments. Et ça fait du bien aussi d’être en tête, c’est bon pour le moral ! »

 Stève Ravussin, Orange Project, joint à 18h00 : "On est parti surtoilé... le risque était trop grand nous avons du nous arrêter pour changer de configuration de voile ! Ca va mieux maintenant c’est un peu plus calme.. on a eu des rafales jusqu’à 50 nœuds ! C’était un départ de folie, les images vont être magiques."

 Franck Cammas, Groupama : « Les départs de course ne sont jamais des moments faciles. Anxieux ... non, mais concentré car c’est sûr que les deux premiers jours de course ne vont pas être une partie de plaisir et particulièrement la journée de lundi. Vivement mardi matin ! Pendant deux jours nous allons nous concentrer sur la bonne marche du bateau, en préservant le matériel au maximum. Nous allons naviguer sans trop regarder les classements et plutôt en nous canalisant sur notre course. Avec les conditions qui nous attendent, la prudence est de mise. Sur ce début de course, nous irons « doucement », enfin si on peut utiliser ce mot en parlant de nos engins. Je pense que personne ne va partir la pédale dans le coin. Aux vues des conditions météos, si un de nos concurrents choisit de partir vite, je crois qu’il faudra avoir la sagesse de le laisser partir. L’arrivée n’est pas à Ouessant ! »

 Thomas Coville, Sodébo : « Après la première transition délicate du passage du front à Cherbourg, il faudra se préparer à remettre du charbon pour attaquer une seconde dépression avec un centre chaud assez important dans lequel le vent pourra atteindre 50 nœuds en rafales. Il y aura surtout une mer très formée avec des creux jusqu’à 7 mètres. En multicoque, on s’attache souvent plus à l’état de la mer, qu’à la force du vent, car c’est elle qui détermine notre vitesse Vitesse #speedsailing et les chocs que va subir le bateau. Mais nous ne sommes pas pris à la gorge, nous préparons ce scénario depuis déjà quatre jours. »