Solitaire du Figaro
Pas de répit, pas de repos pour les solitaires
vendredi 23 août 2002 –
De mémoire de Figaristes, rarement on a vu une Solitaire mettre à si rude épreuve les concurrents. Sur l’eau, c’est au boulot sans dodo du tout. La faute à la météo imprévisible qui fait des siennes pour rogner sur les heures de sommeil en mer, multiplier les coups de frein et stimuler les coureurs jusqu’au bout des lignes de la délivrance. Et dire que cela fait trois étapes que cela dure. Dur, dur…
« C’est vraiment un Figaro où tu ne peux pas dormir du tout. A bord, je mets l’alarme, la VHF à fond, le moteur à l’arrêt pour éviter d’avoir un ronron qui me berce. En trois étapes, j’ai dormi une seule fois un quart d’heure à l’intérieur », lâche Philippe Vicariot (Thales). Pour Gwénaël Riou (Espoir Crédit Agricole), bizuth sur la course, « les nuits, c’est un vrai cauchemar. » Quant à Gildas Morvan (Cercle Vert), rarement il ne s’est senti « aussi éreinté. » « Ici, quand je dors une heure, je me réveille complètement ensuqué. C’est la preuve que la fatigue commence à franchement s’accumuler, analyse le « géant vert. » Ce qui est fou, c’est la météo. On n’a jamais eu les conditions qu’on attendait. T’as beau essayer de caler ton sommeil, tu finis toujours par être complètement décalé. Tu ne sais plus quand et comment dormir. C’est dû aussi au petit temps, qui nous oblige à rester éveillé pour ne pas rater les risées. Mais on l’a vu, dès que tu essayes de creuser l’écart, les premiers se font rattraper et ne terminent pas premiers. Globalement, c’est vraiment une Solitaire très particulière. Un drôle de Figaro. Très dur ! »
Même son de cloche de la part d’Alexandre Toulorge (Cherbourg-Crédit Mutuel) : « C’est ma troisième Solitaire du Figaro et c’est de loin la plus difficile. Je n’ai jamais aussi peu dormi en trois étapes, autant puisé dans les réserves. Lors de la première étape, on s’est tué et ensuite on n’a jamais pu récupérer. D’habitude, je tiens mieux la fatigue, il me manque presque une étape. Depuis qu’on a mis les pieds à Gijon, je n’arrête pas de dormir. Je sens une fatigue constante, je suis tous les jours dans le gaz ! »
A les interroger les uns après les autres, ce sont les mêmes propos qui reviennent : le manque chronique de gros dodos et le besoin urgent de se laisser aller dans les bras de Morphée pour se requinquer. Le docteur Chauve diagnostique le même syndrome de carence généralisée de sommeil. « La course tire vraiment sur les bonhommes et leurs réserves. C’est dû au fait que rien n’est joué et que chacun se dit qu’il peut gagner. La partie reste décidément très ouverte et stimule les motivations. C’est un élément important qui favorise la pression », analyse celui qui trouve les bons mots pour tous les maux. Rien de grave cependant, il n’a pas de grosses pathologies mais une fatigue extrême. Il y a beaucoup de problèmes d’épaule et de cou qui ont une composante liée à la tension nerveuse. »
Face à ces symptômes à répétition, un seul remède. A terre, repos obligatoire pour tout le monde. « La récupération est très importante sur cette étape. Il faut que les skippers se forcent à prendre de la distance, essayent de décompresser. Ils ont le temps, alors ils en profitent », poursuit le docteur. Allez, siesta pour tout le monde. Demain, à J-1 du départ de l’ultime étape, il sera temps de se replonger dans la course et se pencher sur cette météo décidément pas docile. Pour repartir pour ne plus dormir…
Vu sur le port : les dessous de Malice !
Kito de Pavant (Malice) se faisait du souci pour son bulbe. On se souvient en effet que le leader au classement général avait talonné au départ des Sables d’Olonne. Ayant reçu l’accord du Comité de Course, le skipper et son équipe de choc de copains-préparateurs ont donc sorti aujourd’hui le Figaro Bénéteau de l’eau. Sur le port de Gijon, ils ont passé la journée, sous l’œil attentif du jaugeur Michel Petit, à panser les plaies du bulbe. Ponçage et trois-quatre couches d’enduit polyester et le tour est joué. « La structure n’a pas souffert et il fallait s’en assurer. Mais les accrocs peuvent générer des problèmes de glisse et retenir les algues », explique le skipper qui n’envisage pas de disputer la dernière étape avec l’idée de partir avec un déficit de vitesse. Trop d’enjeux en jeu !
Laure Faÿ