Solitaire du Figaro

Gijon - Cherbourg, l’étape de tous les enjeux

dimanche 25 août 2002Information Solitaire du Figaro

C’est parti pour la quatrième et dernière étape de La Solitaire du Figaro. Pour l’ultime parcours jusqu’à Cherbourg-Octeville qui doit enfin départager les prétendants à tous les honneurs à l’issue d’une édition déjà rondement menée et haute en intensité. Sur les pontons de Gijon, dimanche matin, il y a de l’électricité dans l’air. L’étape qui se profile devant les étraves, la plus longue, promet son lot de rebondissements et de renversements de situation. Skippers sur-motivés et longs bords de près : ça va chauffer 465 milles durant !


Ils la veulent tous et la lorgnent avec des yeux de Chimène. La victoire d’étape, celle qui peut offrir dans la foulée la plus belle des conquêtes et tous les lauriers. Ils y croient, ils en rêvent. Ils ont échafaudé dans leur caboche de solitaires le plus heureux des épilogues et n’ont pas l’intention de lésiner pour passer du rang de vainqueur d’étape en vogue au statut de maestro nouveau du Figaro, tout juste auréolé d’une victoire sur la Solitaire. Tous fin prêts à se « tirer la bourre » jusqu’à Cherbourg-Octeville !

Au programme de l’étape de tous les enjeux : des bords à tirer le temps d’une remontée via le golfe de Gascogne et tous les pièges de la Manche. Le vent dans le nez, voilà la belle affaire des spécialistes des remontées laborieuses, des courses de vitesse. Des pros du près, quoi ! Ils sont une bonne poignée et figurent dans les douze premières lignes du classement général, avec en tout et pour tout une bonne heure pour les séparer. Autant dire pas grand chose ! Plus au contact encore, les huit premiers, recroquevillés dans 38 toutes petites minutes pour les départager. Autant dire rien de rien face aux 465 milles qu’il reste à parcourir lors d’une étape ouverte aux options ! En terre espagnole, on devine déjà les attaques et les offensives qui se trament à l’horizon du grand Golfe. « Bonne visi » sur la suite du parcours : tous « au taquet ! »… plus que jamais !

Sur les pontons du port de Gijon, ça fuse de toutes parts à coups de petites phrases à tout va. De déclarations de bonnes intentions tous azimuts. Tous lèvent haut le voile avant de mettre les voiles. « Je suis blessé (9e au général, ndlr), mais certainement pas mort. Je vais tenter de pourrir la vie des huit premiers. C’est sûr, on a l’avantage d’avoir une belle météo pour attaquer et se refaire une santé », lâche Eric Drouglazet (David Olivier), le tenant du titre fort de son tempérament taillé dans le granit de sa Bretagne. Même topo du côté de Jérémie Beyou (Delta Dore) qui lance volontiers qu’il part pour « gagner la Solitaire. », « Je suis gonflé à bloc. Je suis content d’aller naviguer dans de bonnes conditions avec un bel objectif. J’aime bien le près, c’est même pour moi une allure de prédilection. Ca donne la niaque ! » avertit l’étoile montante du circuit, remonté comme une pendule. Ambiance !

Et c’est sans compter avec tous les autres… Gilles Chiorri (32 01 de Météo Consult), lui, n’a pas fini de mesurer tous les enjeux du parcours à hauts risques qui se profile au large des côtes de l’Atlantique et aux détours des cailloux, îles et autres vilains courants de la Manche : « C’est vrai que cette étape relève du scénario du but en or. On a rarement vu autant de prétendants au coude à coude au moment de prendre le départ de la dernière manche. Alors oui, on a une très forte pression, mais c’est tant mieux ! Je pense qu’on y verra plus clair à Ouessant, un premier paquet doit pouvoir se détacher. »

Voilà les chasseurs n’ont eu de cesse d’aiguiser et de fourbir leurs armes à l’ombre du classement général trop serré. Et le chassé dans tout ça, qu’est-ce qu’il en dit ? Kito de Pavant (Malice) se porte comme un charme : « Je préfère être premier que dernier. Forcément, je suis un peu tendu parce que cela ne va pas être dur. On va avoir une étape difficile, avec de sérieux clients très proches les uns des autres. Mais je suis très motivé pour me défendre. Je vais aller vite au bon endroit. La victoire sur la Solitaire, j’en rêve depuis des années. Il va y avoir du jeu, mais rendez-vous à Cherbourg… avant les autres ! »

Echos de pontons

Pavillon noir dans la pétole

Décidément pressés d’en découdre pour de bon, les solitaires n’ont eu de cesse de voler le départ malgré la torpeur météorologique servie en ce jour de grand départ. Après deux rappels généraux, Gilles Sabin, président du Comité de Course, n’a plus hésité à hisser le pavillon noir. Histoire de freiner les ardeurs des concurrents concentrés pour tirer toute la quintessence des bouffées évanescentes de nord… d’une valeur mesurée à 2 nœuds ! Malheur à celui qui aurait la mauvaise idée de pointer son nez et coller son étrave sur la ligne avant le coup de canon libérateur : il écoperait alors d’une pénalité en temps de trois heures et verrait tous ses espoirs s’envoler en fumée. L’avertissement a bien été entendu et à 14h38, les 37 solitaires se sont élancés - à toute petite vitesse – pour disputer un petit parcours de parade de 6 milles au large des Asturies.

Petit accrochage sur la zone de départ avant le début de la procédure de départ. Yann Eliès (Groupe Générali Assurances) est rentré en collision avec Philippe Vicariot (Thales), auteur d’un refus de tribord. Pas de gros bobos mais une belle frayeur avant le grand départ. Le premier déplore deux filières cassées et le second a dû repriser son spi… qu’il ne devrait pas trop envoyer tout au long de l’étape de près annoncée.

Bouée Radio France : Morvan devant

Il n’est pas du genre à se laisser abattre par le poids d’une contre-performance. Malgré sa « marée de retard » sur le premier (6 heures, ndlr), Gildas Morvan (Cercle Vert) entend bien prendre sa revanche. « Depuis le début, je manque de réussite et j’ai été plutôt à côté de la plaque dans le choix de mes options. Il ne faut pas rêver, j’ai beaucoup de retard. Mais j’ai besoin de me rassurer, de rassurer ma famille, mon sponsor. Je compte bien finir en beauté et naviguer au mieux pour prouver ma valeur. Je pars pour faire une belle étape », déclarait le géant vert à quelques jours du départ. Disons que premier à la Bouée Radio France, avec l’arrivée attendue d’un orage avant le grand large, il semblait plutôt bien parti ! Mais derrière, ça poussait déjà… Jérémie Beyou (Delta Dore), Charles Caudrelier Benac (Bostik Findely) et Kito de Pavant (Malice) jouaient des étraves et se bousculaient dans son tableau-arrière alors que le vent commençait à rentrer avec le passage d’un grain.
Le pif de Kito

Sur les dernières 24 heures, les concurrents se sont plongés dans les cartes et modèles météo qui leur annoncent une étape d’envergure à mêmes de faire le bonheur des spécialistes de la vitesse. A condition de tracer la meilleure route et tirer les meilleurs bords. Au-delà des conseils avisés apportés aux Bretons par Dominique Conin du Centre de Port La Forêt, la plupart font appel aux services de routeurs particuliers. C’est le cas de Jérémie Beyou (Delta Dore), Antoine Koch (Saunier Duval), Yann Eliès (Groupe Générali Assurances) épaulés par le sorcier Pierre Lasnier. Ronan Guérin (Saint-Nazaire-Escal’Atlantic) se renseigne, lui, auprès de Richard Silvani de Météo France et re-travaille le tout avec son acolyte Ronan Cointo. Quant à Gilles Chiorri (32 01 de Météo Consult), c’est forcément avec Eric Mas qu’il cogite ses trajectoires. Tous ou presque parmi les meilleurs multiplient les sources. Tous sauf un, qui préfère compter sur son flair. Kito de Pavant (Malice) n’est pas du genre à se laisser dicter son chemin : « J’ai un gros pif, alors je m’en sers. Je préfère garder la maîtrise de mes choix. C’est sûrement dû à mon expérience tardive, au fait que je n’ai pas la même culture maritime. Bien sûr, je regarde les modèles et en parle avec des amis avisés sur la question. Quoi qu’il en soit, l’été en Atlantique, la météo a la particularité d’être très instable et mieux vaut regarder les nuages et observer sur l’eau. »

Laure Faÿ



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