Quatre heures et 46 minutes séparent le vainqueur de cette deuxième édition du Challenge Mondial Assistance, du quatrième, Michel Desjoyeaux. Dans la dernière nuit, le vainqueur de la Route du Rhum s’est fait doubler par Jean Le Cam (Bonduelle), auteur d’un incroyable retour. A 14 heures 13 minutes, en cinquième position Thomas Coville (Sodebo) franchissait à son tour la ligne située à l’entrée de la marina de Rimini. Il devrait être suivi, en début de soirée, par Karine Fauconnier (Sergio Tacchini). Stève Ravussin (Banque Covefi) devrait quant à lui arriver en milieu de nuit alors que Laurent Bourgnon (Sopra Group), qui vient juste de passer la pointe Sud de la Sicile, n’est pas attendu avant vendredi prochain.

Franck Cammas (Groupama) peut laisser éclater sa joie. Ce compétiteur né a tout simplement horreur, quelque soit le sport ou le jeu pratiqué, de perdre. Après une saison 2002 où la couleur noire avait très largement dominée, avec un mât cassé et un chavirage, le benjamin des skippers engagés dans ce Challenge Mondial Assistance a pris de la plus belle des manières sa revanche. Il a su, avec son équipage de choc - savant mélange de « vieux briscards » avec Franck Proffit et Jean-Baptiste Levaillant, surnommé Monsieur Plus, et de « jeunes pousses » avec Ewen Le Clech, Benoît Briand, Ronan Lucas, tous trois aussi à l’aise autour de trois bouées qu’au grand large -, résister à la pression. Pendant plus de 80% de la course, il a ouvert la route, tombant en premier dans tous les nombreux pièges. Et cela sur un multicoque maintenant vieux de 5 ans, intrinsèquement moins rapide que ceux de ses adversaires. Du beau pilotage ! « C’est un parcours passionnant et difficile. Il a été très intéressant en ce qui concerne la tactique. C’est clair que je ne le ferai pas en solitaire. Je suis presque aussi fatigué que si j’avais été seul. Et une nuit comme la dernière, c’est impossible tout seul. C’est un coup à retrouver trois bateaux sur le toit ! Il fallait s’attendre à tout, tout le temps ».

Outre la victoire finale, Groupama accroche un autre succès dans ce Challenge Mondial Assistance. Le trimaran vert et blanc de Franck Cammas remporte, au final, le Trophée Baume & Mercier. Entre la journée du lundi 12 mai à 12 heures et du mardi 13, même heure, soit lors du passage du cap Finisterre et de la descente le long du Portugal, il a en effet parcouru, avec 423 milles (17,6 nœuds de moyenne), la plus grande distance en 24 heures de l’épreuve.

Trois heures et neuf minutes après Groupama, sous des conditions toujours aussi dantesques, Lalou Roucayrol (Banque Populaire) arrache la deuxième place face à un Jean Le Cam (Bonduelle) de plus en plus pressant, ce dernier coupant la ligne seulement 1h16 après Lalou. « Cette nuit, nous avons été obligés d’assurer. Impossible d’être serein quand tu as une épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Lalou parle de son bras de liaison, endommagé il y a 48 heures lorsque, sous la botte Italienne, les multicoques étaient lancés dans un « reaching » endiablé, face à une mer courte. Une allure qui avait eu raison de la solidité du mât de Jean Maurel (Bayer Cropscience). « .On a utilisé les bateaux au max de leurs potentiels. On peut dire que les structures sont maintenant au point ». Les yeux brillants de fatigue, Lalou parle encore plus volontiers de son équipage, des blagues de potaches qui, sorties de leur contexte, ne peuvent faire rire personne. Lalou parle encore des dauphins, des globicéphales qui sont venus, à chaque fois, détendre un temps l’atmosphère, comme un rappel à l’ordre pour dire aux marins qu’il n’y a pas que les penons sur les voiles qui comptent.

Jean Le Cam (Bonduelle) revient lui aussi avec plein d’images dans la tête. La dernière, c’était tout simplement hier soir, avec « un coucher de soleil sur un fond de ciel noir d’orage et le bateau qui déboule à 28/29 nœuds sur la mer plate », avouant dans la foulée qu’il avait été « à la limite du raisonnable » en cette dernière nuit de mer. Une dernière nuit qui lui a permis de prendre, pour 21 minutes, la troisième marche du podium. Pour Jean et son équipage, cette troisième place a le goût de la victoire, en raison d’un Bonduelle mis à l’eau seulement quelques jours avant le départ. Le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro reconnaît aisément être crevé, ce qui est fort rare chez lui. « Ses bateaux demandent une attention permanente. Tu as toujours cette notion d’aller vite sans pour autant casser. C’est épuisant ce stress de tous les instants. A ce point, il n’existe que sur nos trimarans ».

Michel Desjoyeaux (Géant) chante la même musique. « Nous avons eu tellement d’occasions d’exploser les machines. Le simple fait d’être là est en soi une satisfaction ». Reste cette dernière ligne droite. Michel l’a en travers de la gorge puisque Jean Le Cam l’a doublé à la régulière, négociant au mieux les orages. « Encore hier soir, on essayait d’imaginer des solutions pour jouer la première place. Cette nuit, on a pris des billes de grêle comme j’en avais jamais vu, même à terre. Il est passé devant, nous n’avons pas réussi à le reprendre ». Comme les autres, Michel rend hommage à son équipage avec lequel « il repartirait tout de suite », reconnaissant que « rarement il s’était autant marré sur un bateau, même si tout n’était pas parfait ». Lui aussi revient sur ce parcours « intéressant, plein de rebondissements, tellement indécis que c’était passionnant, dur pour les nerfs ».

Ce cocktail explosif, Thomas Coville (Sodebo) a finalement pu l’apprécier à sa juste valeur. Pourtant, moins de 24 heures après le départ, Thomas avait failli jeter l’éponge en raison de la rupture de son vérin hydraulique qui maintenait l’étai principal de son mât. Aujourd’hui, sous un soleil revenu au moment de son arrivée, ce mauvais souvenir semble bien loin. Cinquième du Challenge Mondial Assistance, à 8 heures et 9 minutes du leader, est, pour Thomas et son Sodebo, un fort bon résultat. Tous deux ont bouclé ainsi leur première épreuve océanique de leur jeune carrière.

Plus à l’arrière, joint lors de la vacation de midi, Karine Fauconnier (Sergio Tacchini) ne cachait pas sa déception. « Je suis un peu verte, il y a un jour et demi, nous étions avec Bonduelle. Il a pris le bon wagon. Avec Sodebo, je n’ai pas encore compris ce qui s’est passé. On a tout essayé. Un vrai manque de réussite. On peut dire que l’Italie n’accueille pas de la meilleure manière le bateau italien ». Plus loin, Stève Ravussin (Banque Covefi) profite du spectacle, naviguant au milieu des nombreux îlots qui parsèment la côte de Croatie. Stève est au près, sous le soleil, dans une belle brise de secteur nord. Karine était, elle, sous un ciel noir comme la nuit, cherchant désespérément un brin de vent consistant.

Plus loin, Laurent Bourgnon (Sopra Group) continue son bonhomme de chemin et était peu surpris par le beau match engendré par cette épreuve. « C’était un peu prévisible et nous, nous n’avions aucune illusion avant le départ. Nos problèmes étaient connus, mais Sopra Group a de très, très bonnes bases. Philippe pourra bientôt faire du beau boulot ».

Information Nicolas Raynaud / Challenge Mondial Assistance

• CLASSEMENT DU 21/05/03 14:00:00 GMT
– Rg Nom Skipper Lat Long Date Dist Vit Cap
– 1 Groupama Franck Cammas 44 04.92’ N 12 34.08’ E 21/05/03 11:16
– 2 Banque Populaire Lalou Roucayrol 44 04.56’ N 12 34.20’ E 21/05/03 12:00
– 3 Bonduelle Jean Le Cam 44 04.56’ N 12 34.32’ E 21/05/03 12:00
– 4 Géant Michel Desjoyeaux 44 04.56’ N 12 34.36’ E 21/05/03 12:00
– 5 Sodebo Thomas Coville 44 04.92’ N 12 34.29’ E 21/05/03 12:13
– 6 Sergio Tacchini Karine Fauconnier 43 35.88’ N 14 37.86’ E 21/05/03 12:01 94 12,6 302
– 7 Banque Covefi Stève Ravussin 43 46.08’ N 15 14.58’ E 21/05/03 13:02 133,7 17,6 306
– 8 Sopra Group Laurent Bourgnon 36 56.82’ N 16 01.02’ E 21/05/03 12:00 582,3 10 47
– ABD Bayer CropScience Jean Maurel
– ABD Belgacom Jean-Luc Nélias
– ABD Foncia Alain Gautier
– ABD Gitana Lionel Lemonchois