Prologue à Ouistreham : Vittet bâbord amurre sous le vent de Jean-Paul Mouren

Photo : Ch.Guigueno / Pipof.com/voile

Le bonheur des uns a cette sale manie de faire le malheur des autres. Le phare de Wolf Rock a mis toute la lumière sur ce scénario qui se profile à l’horizon de cette deuxième étape. Celle qui sera sans doute décisive pour la suite de cette 35^e édition : avec d’un côté des grands gagnants qui n’ont pas fini d’engranger des milles, et de l’autre des grands perdants à la dérive dans le classement. « Le long des côtes anglaises, il fallait être devant, absolument, pour sortir avec le courant et avec le vent qui a favorisé les premiers. Seule une dizaine de concurrents ont réussi, ce qui laisse un grand nombre de vrais déçus. La fatigue aidant, certains, qui n’ont pas encore passé Wolf Rock ce matin, ont le sentiment qu’ils reculent au fur et à mesure que les autres avancent... Dur, très dur », commente depuis le bateau Direction de Course, Denis Horeau.

En tête donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes marins. Les rescapés des côtes anglaises ont entamé leur descente vers la Chaussée de Sein de la plus belle manière. Vent d’est soutenu, place au repos après 36 heures de course plus qu’éprouvantes. Sous pilote, le club des cinq premiers, qui se tiennent en moins 1 mille, se fait la belle. Ca glisse à fière allure, à 8 nœuds de vitesse Vitesse #speedsailing moyenne, sous pilote : le bonheur ! La course de vitesse Vitesse #speedsailing est lancée jusqu’aux côtes bretonnes que ces leaders doivent doubler vers 20h, 20h30 ce soir. Pour ne rien gâcher, c’est avec le courant favorable que le Chacal (Armel Le Cléac’h) et tous ses poursuivants les plus directs - Yann Eliès, Dominic Vittet, le très surprenant Oliver Krauss (Espoir Crédit Agricole) et Jérémie Beyou (Delta Dore) - vont passer. C’est ensuite que la situation météo se complique avec le passage d’une dépression orageuse, qui va volontiers leur donner des grains à moudre. Il leur faudra aussi contenir, ceux - qui pas loin dans leur sillage - ont salué à leur tour Wolf Rock pour accélérer. Au phare, ils ont moins d’une demi-heure de retard. Parmi eux, on retrouve de sérieux clients, notamment Eric Drouglazet (Crédit Maritime-ZeroTwo), remonté comme une pendule, ou encore Charles Caudrelier (Bostik Findley) également très motivé. Pour eux, tout reste à faire, alors que plus haut, plus au nord, le reste de la flotte n’a plus que ses yeux pour les voir s’échapper.

Derrière, cela tourne à la Berezina. La note est sacrément salée. Les milles s’accumulent et le chronomètre menace de s’emballer à l’arrivée en terre vendéenne. Un premier bilan révèle ainsi que Kito de Pavant (Navy Lest), Jean Luc Nélias (Chauss-Europ) ou encore Bertrand de Broc (Aigle), pourtant encore bien placés hier, accusent déjà plus de 10 milles de retard. Dans leur tableau arrière rien ne va plus : de beaux prétendants - à l’image de Frédéric Duthil (Allmer), 17è à 22 milles, Marc Lepesqueux (Maisons Pierre), 29è à 27 milles ou pire encore Romain Attanasio (Port Trébeurden) 31è à 40 milles... - s’enfoncent dans le classement. Tout à l’arrière, la lanterne rouge Jacques Einhorn (Connivence) progressait, à 15 heures, tant bien que mal au large du cap Lizard : à 5,4 nœuds quand les premiers caracolaient à plus de 7 nœuds. Il lui restait encore 22 milles à parcourir avant de doubler Wolf Rock, où il était attendu sur les coups de 20 heures à cette allure. Soit une Manche de retard...

Laure Faÿ

• Dans la nuit de lundi à mardi ?

La flotte de tête navigue dans un flux d’est généré par un anticyclone situé sur la Mer du Nord et une zone de basses pressions située sur le golfe de Gascogne. Les flux s’additionnant, le vent d’est est bien calé à 10/15 nœuds. Ce flux va l’accompagner jusqu’à la pointe Bretagne en tournant au sud-est en milieu de nuit. Est-ce que ce dernier va tenir demain ? Là, est la question... Aux vues des fichiers à venir, une zone de transition sera à traverser à la pointe de Bretagne. Les vents avant de s’établir de secteur ouest dominant pourraient faire tourner la tête aux solitaires. Orages, nuages avec des claques, zone sans vent, il faudra choisir où placer ses étraves. La tête de la flotte pourrait être ralentie, un petit coup d’accordéon pourrait alors se jouer... En résumé, le repos pris actuellement va leur servir pour après. Un flux de sud-ouest puis ouest, nord-ouest pourrait s’installer dès demain en milieu de journée. Mais rien n’est sûr... Si ce scénario se maintient, on pourrait espérer une arrivée dans la nuit de lundi à mardi. A suivre...

Pierrick Garenne.

Dominic Vittet (ATAO Audio System) : « En bonne compagnie ! »
 « Je suis forcément un peu déçu de ne pas avoir passer Wolf Rock en tête... pour la beauté du geste. Mais tout va bien, on a entamé la descente de la Manche. Sur la première partie, on va avoir du vent bien établi. Jusqu’à maintenant il y avait 25 000 coups à jouer. Yann (Eliès) est devant, le « Chacal » (Armel Le Cléac’h) juste derrière. On sort tous la tête de temps en temps, mais on en profite pour roupiller et faire un petit peu de bannette. Ca va, je suis plutôt en bonne compagnie ! »

Charles Caudrelier (Bostik Findley) : « Une longue, mais belle étape »
 « Ce n’est pas trop mal. Cela ne m’était jamais arrivé jusqu’ici, mais j’ai oublié de mettre le klaxonne sur le réveil : du coup j’ai bien dormi, peut-être 1h30, 2 heures. Je m’en veux un peu, mais le point positif, c’est que je suis plus frais. C’est peut-être un investissement pour la suite. Je vais assez vite, je viens de doubler Alex (Toulorge). J’avais un peu peur que les premiers s’échappent juste avant la renverse aux abords de la Bretagne. Mais si on continue à aller à cette cadence, on peut passer avec le courant favorable. En fait , je préfère me faire rattraper par ceux de derrière, plutôt que de me faire larguer par ceux de devant. Le jeu Jeu #jeu reste ouvert. Cette une longue, mais très belle étape. J’espère qu’il reste des choses à faire, je n’ai pas envie de finir à cette place. »

Alexandre Toulorge (Caen La Mer) : « Un skipper en solitaire heureux »
  « Cela n’a pas été simple, dur de les accrocher ! Du coup, j’ai moins dormi pour être dessus. Je suis fatigué. Maintenant, le pilote peut tenir sans trop lâcher de terrain. J’ai Drouglazet derrière, il a l’air bien énervé. Je vais avoir du mal à le contenir. Mais je suis un skipper en solitaire heureux. »

Jeanne Grégoire (Banque Populaire) : « Des moments magiques »
 « Il y a du vent, c’est du bonheur. Il y a plein de bateaux autour et ça avance bien. J’ai réussi à accrocher le wagon de tête après le Solent. C’est clair que 15 nœuds reaching sous pilote, c’est du bonheur. Cette nuit, c’était excellent, tout le monde s’est arrêté de régater pour regarder la lune avec Mabire qui faisait des commentaires à la VHF. Des moments comme cela, c’est assez magique. »