
Vendée Globe
Desjoyeaux double le Horn "avec des grains à 45 nœuds"
"Ce n’est pas parce que je suis en tête du Vendée Globe que je m’endors"
lundi 5 janvier 2009 –
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En tête du Vendée Globe, Michel Desjoyeaux sur son monocoque 60 pieds Foncia a franchi le Cap Horn (Chili) à 03h10 TU soit 04h10 heure française ce lundi 5 janvier. Michel aura donc mis 56 jours 15 heures et 08 minutes pour rallier le Cap Horn et doubler le dernier des grands caps à laisser à bâbord après celui de Bonne-Espérance (Afrique du Sud) et Leeuwin (Australie).
Michel est donc passé avec deux heures de moins que Jean Le Cam en 2004 (ndr : 56 jours 17 heures et 13 minutes), alors premier au passage du Cap Horn lors du Vendée Globe 2004/05. Une réelle performance du couple Michel Desjoyeaux/Foncia quand on sait que le parcours dans ces Mers du Sud a été rallongé de 1200 milles, compte tenu de la position nord des sept portes des glaces qui ont ponctué cette navigation sur les océans Indien et Pacifique.
Si Foncia a mis 16 jours 05 heures et 40 minutes pour traverser l’Océan Pacifique, soit seulement un quart d’heure de plus que Mike Golding en 2004/05, Michel Desjoyeaux pourrait établir un nouveau record de la traversée de l’Océan Indien. Un record en attente de validation auprès du WSSRC (ndr : World Sailing Speed Record Council) qui serait alors de 13 jours 6 heures et 30 minutes. Un océan chassant l’autre, Michel Desjoyeaux célèbre aujourd’hui son retour dans l’Atlantique avec une nouvelle course devant son étrave : 7 000 milles à parcourir via l’anticyclone de Sainte-Hélène, le Pot-au-Noir, l’anticyclone des Açores et le redouté Golf de Gascogne. Un mois de navigation au compteur selon Michel : « 28 jours après le Horn, c’est à peu près ce que j’ai calculé ».
Joint à 10h30 ce matin lors d’une vacation spéciale, Michel revient sur son mois de navigation dans les Mers du Sud, sur la délivrance du Horn, sur l’état de Foncia après deux mois de mer, sur son état physique et moral, sur ses concurrents et la remontée atlantique. Extraits...
Passage du Horn... « C’était un peu chaud. Le but, c’était de venir voir le Horn mais il y avait 35/40 nœuds de vent avec des grains à 45 nœuds mais surtout, il n’y avait pas de visibilité. Il faisait nuit... C’était animé, mais c’était sympa... C’est plutôt une délivrance car cela veut dire que l’on a quitté les Mers du Sud et l’oppression permanente du vent ! Ce n’est pas tant la mer qui est difficile... Je pense que j’ai eu même moins de vent qu’il y a 8 ans. Ce n’est pas la force du vent qui est lassante où la hauteur des vagues, c’est la permanence du vent... Cela manquait de variations dans les tempos... Là, même si tu n’avances pas, tu te détends un peu. Ce matin, j’ai bricolé pendant deux heures sur le pont, c’était agréable. J’ai même croisé des albatros posés dans l’eau, je n’avais jamais vu cela avant. Même eux viennent se reposer ici... »
Bilan des mers du Sud... « Le bonhomme est en pleine forme. Il est content d’enlever le ciré et les bottes. Les mains ont bien vécu également... Côté alimentation, j’ai ce qu’il faut, assez pour embarquer un clandestin et le ramener à la maison ! Autrement, je suis content d’être là. Et la tête va bien, soulagé d’avoir passé cette barrière et content de me rapprocher de la ligne d’arrivée petit à petit, de la maison, des terriens et de la civilisation. »
Recette... « 80% du résultat se fait par le travail de l’équipe, dès la construction du bateau. Il y a des trucs à améliorer, mais le fond de commerce n’est pas mal... En fait, il me reste 20% du résultat final à concrétiser. Et dans ces 20%, il faut savoir économiser le matériel et savoir ce qu’il peut encaisser. J’avoue que dans quelques surfs endiablés et plantés mémorables, tu serres les fesses en espérant que le pommier reste debout. Ce matin en allant vider l’eau devant, j’ai vu une petite fissure qui n’est pas dramatique et qui n’a rien de grave. Mais n’empêche que le bateau a souffert quand même... Cela montre que moi non plus je ne suis pas passé sans encombre ».
Positive attitude... « Ce n’est pas parce que je suis en tête du Vendée Globe que je m’endors. Dès ce matin, j’en ai profité pour faire du bricolage dans le jardin et pour aller voir plein de trucs que je n’avais pas pu aller voir pendant un mois. Il faut aussi ré-avancer les poids, remettre de la voile, ranger tout l’intérieur du bateau... L’avance sur Bilou (ndr : Roland Jourdain) va diminuer car il y a un passage à niveau mais il faut bien le passer... Cette situation me plaît bien ! ».
Difficultés atlantiques... « Entre ici et Cabo Frio sur la côte brésilienne, on va jouer au poker menteur pendant 8/9 jours... C’est l’endroit où au niveau stratégique, cela va être le plus risqué et le plus casse-gueule parce que c’est assez incertain et il y a plein de phénomènes météo qui se promènent dans tous les sens. À long terme, il est difficile d’échafauder une stratégie claire. Ce n’est pas le cas dans les Mers du Sud ou dans le reste de l’Atlantique. Il y a du mastic qui nous attend, là. Une fois touché l’anticyclone de Sainte-Hélène, c’est un système assez classique avec des chemins stratégiques que l’on a l’habitude de voir. C’est un peu notre jardin... Par contre, ce qui nous attend, ce n’est pas notre jardin et c’est le bazar. Cela va demander beaucoup de prises de décision, beaucoup de manœuvres... Rien n’est joué pour autant, il faudra attendre le franchissement de la ligne d’arrivée pour connaître le classement. »
Devant... « On travaille avec les mêmes données météo, avec les mêmes logiciels et avec quasiment les mêmes bateaux sous les pieds... Il n’y a pas 36 000 solutions pour aller d’un point à un autre. Maintenant, il y a des subtilités que chacun apprécie. Ce qui est important, c’est qu’il faut être devant pour gagner et pour le moment, j’y suis... On va essayer d’y rester. Donc, je n’échangerai pas mon baril d’Ariel contre un autre pour le moment ! »
Concurrence... « On connaît ses adversaires, mais on peut toujours être surpris... Il faut rester vigilant. Bilou peut toujours faire quelques farces... Je le connais bien, nous avons navigué ensemble, toujours avec beaucoup de plaisir d’ailleurs. Ces derniers jours, il a montré qu’il avait cravaché avec son Veolia sans aucun souci et sans montrer la moindre difficulté. Je ne suis pas du tout surpris d’ailleurs qu’il soit là, juste à côté, tout comme Jean (ndr : Le Cam). Il a un bateau qui est intéressant. Il y a enfin nos deux lascars (ndr : Vincent Riou et Armel Le Cléac’h), un peu décrochés et qui ont raté le train quand il fallait tenir une cadence élevée. Mais à la vue de ce qu’il nous reste à faire, les écarts ne sont pas si importants. »
A bon entendeur... « Quand on prend les problèmes à l’endroit et que l’on met du cœur à l’ouvrage, il peut se passer de belles choses ».
Info presse Agence Blanco Negro / Team Foncia / www.teamfoncia.com
Classement du 5 janvier 16h00
– 1 - Desjoyeaux Michel (FONCIA) à 6904,7 milles de l’arrivée
– 2 - Jourdain Roland (Veolia Environnement) à 76,8 milles du leader
– 3 - Le Cam Jean (VM Matériaux) à 461,2
– 4 - Riou Vincent (PRB) à 653,2
– 5 - Le Cléac’h Armel (Brit Air) à 665,9