Imoca MACSF • Vendée Globe 2024
Isabelle Joschke, 19e aux Sables d’Olonne : "je suis allée au bout de mon histoire"
mardi 4 février 2025 –
En coupant la ligne d’arrivée devant les Sables d’Olonne en ce mardi 4 février 2025 à 00h 28 minutes et 36 secondes, Isabelle Joschke, sur son IMOCA MACSF, boucle son Vendée Globe. Après 85 jours, 11 heures, 26 minutes et 36 secondes d’une navigation intense et exigeante, Isabelle s’octroie la 19ᵉ place de cette magnifique édition. Jusqu’au bout de son épopée, la navigatrice aura été confrontée aux affres d’une météo capricieuse et complexe. Mais l’important est d’avoir pu, au bout de sa deuxième tentative, terminer en course cet incroyable tour du monde qu’est le Vendée Globe. Une victoire pour Isabelle qui est restée fidèle à ses principes.
Jamais Isabelle Joschke, skipper de MACSF, n’aura eu la vie facile sur ces océans traversés. Dernière épreuve et non des moindres, cette zone de calme dans le Golfe de Gascogne qui est apparue comme une piqûre de rappel de la complexité de ce tour du monde. En évoluant à une vitesse comprise entre 1,5 et 7 nœuds lors des dernières 24 heures de course, il aura fallu à Isabelle s’armer de patience pour enfin couper cette fameuse ligne devant Les Sables d’Olonne. Le retour de Jean Le Cam et de Conrad Colman a ajouté la dernière touche d’épice de ce mano à mano dans lequel elle est engagée depuis plusieurs semaines. Mais, à 00 h 28, mardi 4 février, dans une nuit glaciale et étoilée, Isabelle a enfin pu couper, en course, son Vendée Globe, le second.
« Je suis super contente d’être allée au bout de ce parcours, mais je suis encore sur le bateau pour la nuit, c’est une phase étrange de transition. J’avais tout de même hâte que ça se termine, mais cette fin de course était super. J’ai bouclé la boucle »,
commentait Isabelle quelques minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée. Un sentiment mitigé, car Isabelle doit passer la nuit en mer avec une partie de son équipe technique et quelques membres de sa famille avant de pouvoir remonter le chenal des Sables mardi à partir de 8h30.
Derniers instants de course
« Le Golfe de Gascogne est passé de pas du tout clément à très et même trop clément en très peu de temps. Cette entrée dans le Golfe a été chaude. Je n’étais pas sur le bon bord avec un vent de nord-ouest très fort. Il y avait de la mer et des grains violents et surtout pas mal de cargos. Il y en a un qui est passé très près et qui n’était pas à l’AIS, j’ai eu chaud. En l’espace d’une heure, c’est tombé, j’ai pu larguer 3 ris d’un seul coup. C’est ensuite passé sur du tout petit temps. J’étais blasée. Je me suis dit que ça recommençait encore. Jean et Conrad qui arrivaient encore juste derrière, l’histoire se répétait. Il y avait un peu de tension, mais en même temps, j’avais envie de profiter. Cette nuit, le ciel est magnifique avec un très beau croissant de lune et des centaines d’étoiles. Je me régale de ces derniers instants en mer ».
Seule en Atlantique sud
C’est certainement la partie de la course qu’Isabelle a préférée. Seule entre deux groupes, Isabelle a pu naviguer à sa façon, selon son inspiration. Une descente quasi idyllique, sans problème majeur et dans des conditions quasi parfaites. Mais là aussi, des zones de transition ont permis à ses poursuivants de revenir et de former une flottille prête à en découdre avec l’Indien.
« C’était le bonheur intégral. Je me suis régalée, le bateau avançait tout seul. Il y avait le vent qui fallait et surtout très peu d’effort à fournir. Je ne me suis pas trop mis la pression à ce moment-là. Il fallait que je me préserve pour la suite. Tout l’Atlantique, hormis le début, a été une très belle aventure ».
Collés serrés
À partir du Cap de Bonne Espérance, Isabelle retrouve de la compagnie et va naviguer quasiment sur deux océans en compagnie de plusieurs marins dont Jean Le Cam, Alan Roura et Giancarlo Pedote. Une longue route durant laquelle elle tentera, avec habileté, de faire sa course, de naviguer à sa façon, sans se calquer sur ses adversaires. Un exercice peu évident mais indispensable pour Isabelle dans la quête de son Vendée Globe. Un choix payant, car elle arrive à garder le rythme face à des bateaux plus performants.
« Au cap de Bonne Espérance, la course a changé de physionomie. La mer était très difficile, surtout au début et jusqu’au cap Leeuwin et les dépressions très Nord et très creuses. Il fallait les contourner par le Nord en faisant plus de route et être à la limite de la tempête, trouver le bon compromis entre route et préservation du bateau. Ce qui était chouette, c’était d’être au contact avec plusieurs concurrents dont Jean Le Cam et Alan Roura ».
Les casses, le coup de frein
Hormis la perte de son petit gennaker dès le début du Vendée Globe, ce n’est qu’en approche du Cap Horn que les premiers gros problèmes sont survenus à bord de l’IMOCA MACSF. Comme les mésaventures n’arrivent jamais seules, quatre gros soucis sont venus entacher l’évolution de MACSF. Que ce soient la panne du moteur, la déchirure de sa grand-voile, la casse du rail d’écoute de GV et bien plus grave, la casse de son foil tribord, Isabelle a tout de même réussi à se remobiliser pour solutionner ces problèmes et repartir le mors entre les dents.
En revanche, la perte de son foil tribord a obligé la skipper à apprendre à naviguer sur un bateau dont l’équilibre s’est trouvé radicalement perturbé. Si la grande partie de la remontée de l’Atlantique a pu se faire tribord amure, dès que les conditions passaient en bâbord, MACSF souffrait d’un réel déficit de vitesse. Une situation délicate qui n’a pas pu offrir à Isabelle les bonnes armes pour batailler avec ses camarades marins jusqu’au bout.
« J’avoue qu’à ce moment-là, quand les casses sont survenues, j’ai un peu perdu confiance dans le bateau, dans ma course et j’étais déstabilisée. J’avais du mal à faire avancer le bateau sans ce foil tribord dans la fin du Pacifique. Le vent était irrégulier et la mer difficile. C’étaient les conditions dans lesquelles j’avais besoin de stabilité et j’en manquais vraiment. J’ai perdu énormément de terrain, je me sentais impuissante ».
L’élastique océanique
« Avec le foil en moins, je pense que j’avais un déficit de 3 nœuds de moyenne, c’est énorme par rapport aux autres. Avec en plus cette situation de l’élastique dans lequel je me suis retrouvée beaucoup trop souvent, la performance était difficile ».
Au fil des océans, Isabelle Joschke n’a donc cessé de jouer à l’élastique. Si dans les cours de récréation ce jeu amuse les élèves, en mer cet effet est stressant pour les nerfs. Gagner mille après mille, trouver la bonne voie, se faufiler entre deux systèmes et voir ses efforts anéantis en quelques jours à cause d’une de ces fameuses zones de transition est très difficile. Tel a été le quotidien d’Isabelle et de ses compagnons de jeu. Avant le passage des Açores, le groupe d’Isabelle n’a eu de cesse de revenir de s’échapper, de revenir encore et encore. Une navigation durant laquelle il aura fallu jeter ses dernières forces pour écrire en lettres capitales l’histoire de son Vendée Globe.
Isabelle, malgré un bateau amputé d’un foil, a rempli son objectif et d’une très belle manière, fidèle à elle-même et à ses principes.
« J’ai vraiment la sensation d’avoir accompli quelque chose. Il y a quatre ans, j’étais hyper fière d’avoir pu terminer mon tour du monde (hors course suite à son abandon) là, je suis allée au bout de mon histoire, c’est super chouette. C’est très satisfaisant ».
Par ces mots, Isabelle Joschke conclut son aventure, en attendant de profiter de la fête que lui réservent ses supporters dans le mythique chenal des Sables d’Olonne, à partir de 8h30 demain !
Les chiffres-clés du Vendée Globe 2024 d’Isabelle Joschke avec MACSF
- Arrivée le 4 février 2025 à 00h 28 minutes et 36 secondes en 19e position
- Temps de course : 85 jours 11 heures 26 minutes et 36 secondes
- Écart au premier : 20 jours 16 heures 03 minutes et 47 secondes
- Isabelle a parcouru les 23 906 milles du parcours théorique à 11,65 nœuds de moyenne
- En réalité, l’IMOCA MACSF a parcouru 29 660 milles à 14,46 nœuds de moyenne