
IB Group Challenge
Le Cléac’h passe Gibraltar en tête
Franck Cammas reprend le leadership après l’entrée en Méditerranée
mercredi 11 mai 2005 –
,La première partie de la course s’est terminée ce matin quand les six trimarans sont entrés en Méditerranée. La surprise des dernières 24 heures est venu de l’équipage du Chacal. Armel Le Cléac’h et sa bande sont passés en tête à Gibraltar en reprenant pas moins de 70 milles aux leaders lors de la dernière journée de mer ! Mais les hostilités ont vite repris et c’est le leader à Lorient qui a repris les commandes cet après-midi au sein d’un pack très groupé...

Un nouveau venu, en l’occurrence Michel Desjoyeaux, est venu s’incruster dans le pack de tête, en attendant un cinquième larron très prochainement. Décidemment, l’IB Group Challenge s’aborde comme une régate sur un parcours de 2 600 milles... Après trois jours de mer, les trimarans ne se lâchent pas d’un pouce et cela va durer !
Seul Gitana X a été décroché lorsque le vent a molli en passant au Sud-Ouest mardi matin et depuis, l’équipage de Thierry Duprey du Vorsent arrive quand même à ne pas perdre plus de terrain : soixante milles, c’est encore gérable et tout à fait prenable à l’occasion d’une molle par devant. Mais il ne faut pas que le changement défavorable débute par l’arrière car alors la sanction pourrait être très sévère. C’est malheureusement ce qui semble se passer ce mercredi après-midi puisque depuis midi, la vitesse du trimaran ne fait que baisser, descendant même en dessous de quatre nœuds... Dur, dur !
En attendant, le peloton n’a pas été groupé comme cela depuis le golfe de Gascogne : à peine dix milles d’écart entre Franck Cammas et Pascal Bidégorry ! Et les cinq premiers naviguent quasiment à vue et ne se lâchent pas d’une semelle, ou presque. Car si le trio de tête suit les mêmes options, empannant simultanément pour ne pas risquer de rater un coup tactique, un renforcement local du vent, un changement éphémère de la direction du vent, les poursuivants attaquent... et reviennent ! En effet, Michel Desjoyeaux a choisi de naviguer plus près des côtes espagnoles et cela lui réussit. Tout comme à Pascal Bidégorry qui a déjà bien comblé son retard de Gibraltar. Il semble qu’il y a plus de pression au Nord (effet thermique ?) car Géant comme Banque Populaire étaient les plus rapides sur l’eau à 16h00 (16-19 nœuds contre 13-15 nœuds)
En fait, les cinq bateaux sont pratiquement alignés sur la même longitude et le classement reflète plus un différentiel Nord-Sud qu’un avantage particulier de l’un ou l’autre. Les écarts sont tellement insignifiants qu’il faut les prendre avec des pincettes... Ce qui est rassurant pour les équipages, c’est que les potentiels sont identiques à quelques dixièmes de nœuds près : les travaux hivernaux ont donc porté leurs fruits, surtout que pour les équipages de Géant et de Foncia, la mise en main ne date que de quelques jours. Ils sont encore en phase d’apprentissage...
Mais que va-t-il se passer dans les jours qui viennent ? Il semble que les skippers n’ont pas trop envie de prendre des initiatives dès qu’ils sont en tête et que les plus proches poursuivants ne cherchent qu’à grappiller des mètres, comme sur un Grand Prix. Seuls les « retardataires » qui ne naviguent pas à vue, jouent les ouvertures comme ce bon bord opportuniste le long de la Costa del Sol. Mais après le golfe d’Almeria, la brise semble tamponner et il ne sera pas facile de choisir entre s’écarter au Nord en rallongeant la route, ou faire cap plein Est en s’approchant du Maroc, route directe mais semée d’embûches avec des vents plus volages. Il semble toutefois que jeudi après-midi, la dépression au large du Portugal va enfin traverser la péninsule ibérique et donc amenait par derrière une brise de secteur Sud-Ouest 25 nœuds. Une bonne nouvelle pour Gitana X...
– Armel Le Cléac’h-Foncia :
« Ce midi, nous sommes avec Gitana 11 et Groupama-2. Géant est au loin à l’horizon derrière. Tout va bien avec un peu de vent d’Ouest 12 nœuds tribord amure vers les côtes marocaines. Mais il faut alterner les bords et empanner régulièrement pour rester au milieu de la mer d’Alboran. Quand on s’approche des côtes, le vent mollit. Nous regardons la stratégie à moyen terme. Le vent n’était pas très stable dans le détroit de Gibraltar, mais il devient plus régulier en direction même s’il est irrégulier en force : on commence à récupérer un vent synoptique un peu plus clair et nous marchons à 15-16 nœuds.
Au petit matin, nous étions en tête en compagnie de Gitana 11 mais à chaque fois que nous naviguons sur le flotteur tribord, nous perdons un peu de terrain à cause de l’absence de foil (cassé dans le golfe de Gascogne). En revanche sur l’autre bord, nous allons aussi vite que Groupama-2. On a récupéré un peu de terrain à l’occasion d’un empannage. Nous allons nous faire un bon repas pour fêter nos trois anniversaires : Armel (28 ans), Nicolas Troussel (31 ans) et Ronan Le Goff (35 ans) ! »
– Pascal Bidégorry-Banque Populaire :
« Nous sommes tombés dans des filets, quatre fois ! Arrêt complet : rouler les voiles, remonter le safran central, se mettre à l’eau pour couper les mailles. A chaque fois, une demi-heure de perdue ! J’ai cru un moment que nous allions arracher le tableau arrière du bateau... Un cordage a même fait une saignée dans la pelle du safran central et nous avons dû faire de l’enduit. Ce sont des filets mouillés par des bateaux de pêche que nous avons vus cette nuit ! C’est là que nous avons perdu beaucoup de terrain car parfois nous avons dû éviter les bouées en changeant de route. Nous avons arraché des butées de barre, nous avons une déchirure sur le safran que nous avons réparé, un choc sur le becquet qui nous empêche de remonter complètement le foil.
Il y a une heure, nous marchions à trente nœuds et ce midi, on est à huit nœuds : ça à l’air de mollir par devant mais il faut faire attention parce que ça pourrait bien aussi repartir après par devant. Moi, je préfère être devant même si je me fais rattraper... Mais cette nuit m’a franchement énervé. Surtout que le vent a été assez instable et il a fallu pas mal manœuvrer. »
– Thierry Duprey du Vorsent-Gitana X :
« Nous sommes ce matin à 4h00 à trente milles de Tarifa avec un vent d’Ouest qui a bien molli (9 noeuds). La nuit s’est bien passée sous gennaker quasiment tout le temps avec peu de mer et un vent finalement assez stable qui a basculé doucement du Sud Ouest à l’Ouest 10-12 nœuds. On veut espérer que le vent se renforce car d’après les fichiers météo, c’est plutôt de la brise encore mollissante de secteur Nord-Ouest... Ensuite, une dépression dans l’Ouest de l’Espagne se creuse et va nous générer un joli flux d’Ouest 20-25 nœuds jeudi après-midi pour traverser la Méditerranée jusqu’au cap Bon, au moins pendant deux jours.
Pour l’instant, il n’y a pas eu beaucoup de possibilités d’option, c’était plutôt de la vitesse pure et nous nous en sortons pas trop mal ! Surtout quand il y a eu de la molle avec un peu de mer, des conditions que le Gitana X n’apprécie pas trop... Nous avons eu un petit souci avec le téléphone Iridium qui a chauffé. »
– Franck Cammas-Groupama-2 :
« Nous sommes passés en tête ce midi : on va essayer de rester plus longtemps devant qu’au début de la course. Il faut que nous cessions de faire de bêtises. Hier soir par exemple, nous étions au contact avec Michel Desjoyeaux et nous avons lofé comme des imbéciles ! Après, cette nuit, nous avons été arrêtés net dans un filet de pêche avec un choc dans le foil : le bateau a pivoté et s’est mis bout au vent... La dérive semble un peu touchée dans sa partie basse et un bout de foil est abîmé.
Le vent est assez oscillant, de onze à vingt-cinq comme ce matin. Dans la brise portante, la mer d’Alboran va être assez vite avalée. Quand on s’approche de la côte, Nord notamment, le vent semble mollir et nous empannons tous les trois ensemble. Le bateau va bien mais n’est pas aussi « épouvantail » que certains semblent le dire.
La navigation en Méditerranée ? Il ne faut pas regarder à long terme, il faut s’occuper du temps réel. Il n’y a pas de règles ici, il faut prendre des météo très fraîches car les prévisions changent très vite. »
– Frédéric Le Peutrec-Gitana 11 :
« Nous avons perdu le leadership ce midi : Groupama-2 est 300 mètres devant nous et Foncia, un mille derrière. Au détroit de Gibraltar, nous avons été surpris, pas tant d’être en tête que de voir Armel Le Cléac’h ! Franck Cammas s’est refait la cerise en revenant le long des côtes espagnoles : nous l’avons vu arriver dans une grosse bouffée d’air à 25 nœuds. En quelques instants, le vent s’est écroulé pour remonter en pression : c’était très instable mais ce midi, le vent semble se réguler. Tous les trois, on tricote avec la brise et on reste groupés car on se méfie tous de se retrouver tout seul planté quelque part.
Tactiquement maintenant, personne ne va chercher à se décaler de dix milles : les options vont se jouer à un mille près pour ne pas se laisser surprendre comme ça a été le cas ce matin plusieurs fois, chacun son tour heureusement. Si on s’écarte trop, on peut gagner beaucoup... ou perdre énormément !
Côté vitesse, Groupama-2 va un poil mieux : il nous a pris cette dernière heure six cent mètres. Mais le différentiel n’est pas insolent. Quant à Foncia, quand il est en tribord amure avec son foil intact, il n’a rien à nous envier... »
– Michel Desjoyeaux-Géant :
« Nous nous sommes faits un peu distancés par nos camarades un peu bêtement dans une molle cette nuit. Nous attendions une rotation du vent qui n’est pas venue et ceux qui sont restés plus au Nord, ont bénéficié d’un vent plus stable en faisant moins de route. Nous avons vu des filets de pêche dont un qui nous a arrêté mais peu de temps. C’est une agréable surprise pour nous de voir que, malgré le peu de navigations à son bord, le trimaran va bien et que nous en apprenons dessus toutes les heures. Après trois jours de mer, on voit que les vitesses des bateaux sont très proches ce qui va mettre en valeur les choix de route qui vont faire la différence.
Nous sommes en Méditerranée, donc les prévisions météo sont peu fiables même à court terme puisque mêmes celles du détroit ne correspondaient pas à la réalité. A priori, nous devrions naviguer au portant avec du vent jusqu’au milieu de la côte nord-africaine. Maintenant, il faut regarder son baromètre et lever le nez au ciel, observer la couleur de l’eau... »
Voir en ligne : www.ibgroup-challenge.com
Classement du mercredi 11 mai à 16h00 (heure française) :
– 1- Groupama-2 (Franck Cammas) à 1 457 milles de l’arrivée
– 2- Gitana 11 (Frédéric Le Peutrec) à 0,8 milles du leader
– 3- Géant (Michel Desjoyeaux) à 1,5 milles du leader
– 4- Foncia (Armel Le Cléac’h) à 3,1 milles du leader
– 5- Banque Populaire (Pascal Bidégorry) à 10 milles du leader
– 6- Gitana X (Thierry Duprey du Vorsent) à 62,4 milles du leader