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Architecture navale

Nigel Irens : "Nous avons utilisé un bateau ORMA type comme base de discussion"

L’architecte anglais présente le 75’ d’Ellen MacArthur

mercredi 2 avril 2003Redaction SSS [Source RP]

Une grande partie de l’expérience récente accumulée lors des courses au large européennes en multicoque est due à l’existence de la flotte des 60 pieds ORMA. Nigel Irens a largement été impliqué dans le développement des bateaux ORMA et il explique en quoi le nouveau Kingfisher, bien que dessiné à partir de cette expérience, sera une monture très différente.

ORMA 64 tri / 75’ tri
© Nigel Irens

"L’un des principaux défis dans le dessin d’un trimaran de la classe des 60 pieds ORMA est que le bateau doit être capable d’afficher des performances éblouissantes lorsqu’il court en régate avec un équipage complet et, en un clin d’oeil, de se transformer en une bête de course sûre et fiable pour le solitaire.

C’est peut être en demander trop. Et la triste prestation lors de la Route du Rhum Route du Rhum #RouteDuRhum l’année dernière prouve qu’il y a encore beaucoup de travail avant que quiconque puisse vraiment clamer avoir trouvé le bon compromis.

Et même une fois ce problème résolu, les règles de l’ORMA sont malheureusement destinées à entraver toute tentative de dessiner un vrai trimaran océanique simplement parce qu’elles imposent une limite sur la longueur totale. Or c’est en augmentant cette taille que l’on pourrait dessiner un bateau plus sûr et plus marin.

C’est donc contre cette limite que nous nous sommes retrouvés l’année dernière avec Ellen MacArthur et Mark Turner pour laisser en quelque sorte libre court à notre imagination sur le type de bateau que nous voudrions créer si le seul et unique objectif était de permettre à un navigateur solitaire de traverser l’océan à la vitesse Vitesse #speedsailing la plus élevée possible et avec le niveau maximum de fiabilité, sans contrainte de régates ni de règlement.

Nous avons décidé d’utiliser un bateau ORMA type comme base de discussion, parce que nous avons tous une expérience commune avec ce genre de machine et aussi parce que nous savons que la puissance qu’il peut délivrer est accessible à n’importe quel navigateur solitaire. Un bateau plus grand serait mieux, mais les risques de perdre le contrôle - ou simplement de naviguer de façon inefficace- dépassent le potentiel gagné. Le nouveau bateau devra donc avoir quasiment la même surface de voile et un gréement de la même hauteur qu’un classe ORMA.

Chercher le moindre pourcentage de gains nécessaires pour remporter une régate en trimaran ORMA est devenu quelque chose de très complexe. Tellement complexe qu’on court désormais avec un équipage de 11 personnes. Donc la première chose que nous ayons faite c’est de liquider le plus de gadgets possibles. Un navigateur solitaire n’a pas le temps d’utiliser la plupart d’entre eux, et toute pièce mise de côté sera une pièce qui ne risquera pas de poser problème quand le bateau sera au milieu de l’océan. Donc ’simplifier’ le bateau est un choix plutôt logique et le poids économisé permet ainsi de renforcer les structures.

Vient ensuite la question des proportions du bateau, qui sont en quelques sortes le coeur et l’âme de la conception. Une fois encore la liberté prise sur les limites imposées par les règles est un vrai luxe, et à mesure que le casse tête du dessin initial devient un projet vivant, on pousse les étraves de plus en plus en avant, tout en prenant garde de leur imposer le moins de poids possible. Le changement consiste à augmenter la stabilité de l’avant à l’arrière, de telle sorte que lorsque le bateau fonce au portant, les étraves soient plus inclinées pour se lever au moment où elles plongent dans le dos de la vague suivante.

Réduire la largeur du bateau à 16.6 mètres (contre 17.5 mètres pour un 60 pieds ORMA) tend à limiter une augmentation de puissance non désirée qui pourrait être le résultat d’une augmentation du déplacement du nouveau bateau (environ 7.5 tonnes contre 6 tonnes pour le 60 pieds)

L’absence de règles sur la hauteur du mât nous libèrera de l’intolérance du rond de chute. Le haut de la grand voile sur un classe ORMA est agrandi jusqu’à devenir une forme presque carrée pour offrir le maximum de surface sans pour autant augmenter la taille de la voile au delà des 100 pieds au dessus de l’eau, comme le veut le règlement. Un rond de chute de ce genre se traduit directement par une punition pour le matériel et l’équipage. Donc on supprime ça !

Après toutes ces années où l’on a demandé de dessiner des cockpits plus grands pour faciliter le travail de l’équipage, cela prend à peine une minute pour s’adapter au fait que l’équipage d’un bateau destiné à la navigation en solitaire se tiendra derrière le seul moulin à café au milieu du cockpit. Plus les winchs peuvent alors être proches de ce moulin, mieux cela sera. Il s’agit plus d’un "poste de travail" que d’un cockpit.

Pendant les brainstormings sur le concept de ce nouveau bateau, la discussion s’est souvent orientée vers la question des nouveaux défis engendrés par ce projet. Le nouveau bateau naviguera dans des endroits de la planète qui seraient à juste titre considérés comme dangereux pour les actuels trimarans de 60 pieds.

Toutefois, il est important d’accepter dès le départ que les décisions sur la conception soient strictement prises à partir d’une question : le bateau a-t-il des chances d’être à la hauteur d’une tâche qui consiste principalement à enregistrer des moyennes élevées, jour après jour, semaine après semaine, et dans les conditions les plus musclées possibles ?

Ce dont on a besoin pour que cela soit possible, c’est d’un bateau dont la vitesse Vitesse #speedsailing et la sécurité résultent d’avantage de la force et de la simplicité du concept global, que de l’addition d’une succession de pièces et de morceaux faites à la va-vite.

Cela fait longtemps qu’on attendait de construire un bateau comme celui-ci, mais ce type de concept ne peut pas naître dans le vide. C’est seulement maintenant que les projets et l’expérience d’Ellen MacArthur et de son équipe peuvent lui donner la vie et en faire une réalité."

Nigel Irens

Information Kingfisher Challenges



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