Tour du monde en solitaire
Joyon dans les calmes du Pacifique
Rupture de têtière à bord d’Idec
lundi 29 décembre 2003 –
Après 37 jours de mer, Francis Joyon apprécie le calme (relatif) de l’océan Pacifique, dont la houle " bien rangée " contraste avec la violence chaotique de l’Indien. Des conditions qui, si elles peuvent paraître clémentes vues du pont, ne le sont plus dès lors qu’il faut grimper en haut du mât, à 33 mètres au-dessus de l’eau : une ascension que Francis a dû entreprendre ce matin, suite à la rupture de sa têtière de grand-voile. Alors que la réparation a été effectuée avec succès, le skipper nous explique le déroulement des opérations…
" Ça s’est calmé aujourd’hui, et heureusement car j’ai eu un gros problème : ma ferrure de têtière de grand-voile a explosé. C’est un gros anneau en inox de diamètre 25, vraiment énorme, ça a cassé et au lever du jour la grand-voile est tombée sur le pont. La drisse est restée là-haut, j’ai dû monter au mât mais il y a encore 20 nœuds de vent et 4 à 5 mètres de creux, je n’avais jamais fait ça dans des conditions aussi extrêmes, je me suis fait un peu cabosser dans l’histoire. Cela m’a pris la matinée, car il faut tout préparer : tendre des drisses pour pouvoir se tenir, mettre le baudrier… et c’est un peu de la survie là-haut. J’ai remplacé ma pièce en inox par des grosses manilles HR (haute résistance, ndlr) que j’ai passées dans les sangles. J’ai fait des brêlages en Spectra puis j’ai renvoyé le tout, et ça a l’air de tenir. Du coup, j’ai à peine fait 350 milles aujourd’hui alors que j’avais bon vent, j’aurais pu faire 450… mais bon, ça me permet de continuer en ayant - j’espère - bien réparé le truc. Je pense que d’ici un jour ou deux j’affalerai la grand-voile pour voir comment ça travaille et prendre un petit peu d’avance sur une éventue lle réparation, car je ne veux pas avoir à remonter là-haut. J’ai été secoué, mais maintenant j’ai bien récupéré, heureusement que j’avais bien dormi avant de monter.
Piquer au Sud, mais sans angoisse
Pour les heures à venir, le mot d’ordre à bord est " plonger, plonger, plonger ", et ce afin d’éviter une zone de calmes qui enfle devant les étraves du trimaran IDEC. " Il y a une espèce d’anticyclone qui se forme devant moi, alors je plonge pour garder du vent. Le Pacifique est un bon océan, il y fait plus doux… Lorsque j’étais par 48° Sud dans l’Indien, il faisait beaucoup plus froid qu’ici par 52° Sud. J’ai passé l’île Auckland hier, et aussitôt la mer était plus calme. Il reste peut-être 4 mètres de houle, mais par rapport à ce qu’il y avait dans l’océan Indien et dans la mer de Tasmanie, c’est beaucoup plus serein. Et puis la houle est dans le bon sens, alors que la caractéristique de l ’Indien, c’est qu’elle est croisée ". Et même s’il est sous la latitude théorique au-delà de laquelle le risque de rencontrer des glaces existe (soit 50° Sud), le skipper sait que le coin n’est pas véritablement dangereux : " ce n’est pas ici que les glaces remontent vraiment, même si théoriquement d’après les Pilot Charts il peut y en avoir. J’en parlais avec VDH, et d’après lui de mémoire de coureur du Vendée Globe, on ne risque pas encore grand-chose. Vers les 130° W à la même latitude par contre, c’est une autre histoire ".
A la casserole !
La seconde antenne Irridium ayant à son tour succombé, Francis a dû ressusciter la première, qui avait été mise à mal par une succession de vagues alors qu’elle était fixée au portique du trimaran (elle avait été récupérée in extremis, complètement noyée). La méthode employée a de quoi surprendre, mais elle fonctionne ! " C’est une recette des pêche urs des Açores : quand ils ont des problèmes d’électronique, ils mettent tout dans la cocotte, ils font bouillir une minute - comme les langoustines - puis ils font sécher et ça remarche. Et là, tu vois, c’est efficace, car l’antenne marche… Comme elle n’est pas démontable, je l’ai découpée à la scie à métaux , et il y avait de l’eau dedans alors que c’est censé être absolument étanche ! Le fait de faire bouillir à l’eau douce dissout les cristaux de sel, alors soit ça fusille tout, soit ça marche à nouveau. En mer, c’est assez efficace, j’ai déjà sauvé des pilotes, et même un GPS de cette façon ".
Information Mer & Media / www.trimaran-idec.com