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Du grand large à la plage : Toute l’actualité des sports de glisse depuis 2000

Trophée BPE

Eric Drouglazet vainqueur maximo à Cuba

"j’aimerais bien partir sur un Vendée Globe, je suis sur le marché"

jeudi 28 avril 2005Information Transat Bretagne - Martinique

A l’instant, à 21 heures 18 minutes et 49 secondes heure de Paris ce jeudi 28 avril 2005, Eric Drouglazet sur son Figaro Bénéteau 2 Crédit-Maritime-Zerotwo a franchi en vainqueur la ligne d’arrivée du Trophée BPE Saint-Nazaire-Cienfuegos de Cuba.

A 37 ans, Eric Drouglazet devient ainsi le premier navigateur à remporter une course transatlantique en monotype Monotype #sportboats , à armes égales. Les douze navigateurs engagés disposent strictement du même bateau, le Figaro Bénéteau 2. Déjà vainqueur de la célèbre Solitaire Afflelou Le Figaro en 2001, le skipper de Trégunc (Finistère) a bouclé les 4265 milles de cette course transocéanique inédite en 25 jours, 7 heures, 10 minutes et 49 secondes, soit une moyenne de 7,02 nœuds.

Ne quittant jamais les premiers rôles depuis le départ de Saint-Nazaire le 3 avril dernier, Eric Drouglazet était passé en tête le 16 avril à 5 h. Il était privé de liaison satellite et ne pouvait donc plus communiquer avec la terre depuis douze jours. De plus, Eric Drouglazet ne disposait que d’informations météo extrêmement limitées pour le finish palpitant qui s’est dessiné au large de la base américaine de Guantanamo, quand toute la flotte s’est resserrée pour le sprint final.

C’est la première fois que l’arrivée d’une course transatlantique est fêtée à Cuba. A Cienfuegos, ville de 100 000 habitants surnommée « la perle du sud », l’accueil des autorités et de la population locale est à la hauteur de l’exploit d’Eric Drouglazet : formidable. Visiblement fatigué et très ému, le navigateur satisfait en ce moment même aux exigences d’une première conférence de presse. Ses suivants immédiats, Gildas Morvan (Cercle Vert) et Charles Caudrelier (Bostik) sont attendus sur la ligne dans les deux heures qui viennent. Et la lutte pour le podium est acharnée dans la baie de Cienfuegos où un incroyable regroupement général a eu lieu, alors que pendant la traversé de l’Atlantique, les écarts entre les bateaux ont été parfois jusqu’à 450 milles, soit plus de 830 kilomètres.

En bref • Le Trophée BPE 2005

- Trophée BPE Saint-Nazaire - Cienfuegos de Cuba
- Transatlantique monotype Monotype #sportboats sans escale sur Figaro Bénéteau 2, monocoque de 10,10m
- Vainqueur : Eric Drouglazet - Crédit Maritime Zerotwo
- A franchi la ligne d’arrivée à 21 h 18 mn 49 s, ce jeudi 28 avril 2005 à Cienfuegos de Cuba
- Temps de course : 25 jours 7 h 10 mn 49 s
- Vitesse Vitesse #speedsailing moyenne sur les 4265 milles de l’orthodromie (route directe théorique) : 7,02 noeuds


Eric Drouglazet vainqueur à armes égales

Au sommet de son art, Eric Drouglazet entre aujourd’hui dans la légende de la course au large. En franchissant la ligne d’arrivée de ce Trophée BPE Saint-Nazaire-Cienfuegos de Cuba, il devient le premier marin à gagner une course transatlantique à armes égales. Tout un symbole pour ce dur au mal qui ne jure que par la monotypie.

Ce qu’Eric Drouglazet veut par-dessus tout tient en huit mots simples : Naviguer. Au large. En solitaire. A armes égales. L’affaire dure depuis vingt-deux ans pour ce basque de naissance et breton d’adoption, et pas si accessoirement ceinture noire de judo. « Eric a fait sa première régate à 15 ans, je faisais du laser avec lui, très vite il est passé à l’habitable, avec un half-tonner », explique Luc Pogonkine, son copain et premier coéquipier qui assure aujourd’hui sa communication.

Naviguer. Eric Drouglazet a satisfait cette obsession sur à peu près tout ce qui flotte et avance avec le vent, des mini 6.50 au grands trimarans open (Grands Prix sur le Sodebo de Thomas Coville) en passant par les monocoques de la Transat Jacques Vabre. Mais le véritable truc d’Eric est ailleurs : un vrai chevalier breton préfère toujours la lutte à armes égales. Le même bateau pour tous. Ce sera donc la classe Figaro, comme une évidence, « parce que tu navigues souvent et que tu ne passes pas ta vie au chantier », comme il confiait pendant une des vacations de ce Trophée BPE.

Champion de France 2001 de course au large, large vainqueur en 20005

Aujourd’hui âgé de 37 ans et père de famille, le navigateur de Trégunc près de Concarneau a fait ses premières armes dans la série en 1992. Cette année là, il participe à sa première Solitaire du Figaro, l’épreuve reine du circuit. Fonceur, dur au mal, incroyable barreur dans le gros temps qu’il affectionne, Eric prouve très vite qu’il faut compter non seulement avec son talent de régatier, mais surtout sur une détermination sans faille. Il gagne des étapes, impressionne... et finit par décrocher la timbale en 2001, où il entre dans le cercle très fermé des vainqueurs de la mythique Solitaire.

Son bateau s’appelle alors Vitarmonyl et Eric Drouglazet empoche dans la foulée le titre de Champion de France de Course au Large. Le monde de la voile s’incline devant le Finistérien. « Droug », comme l’appellent ses concurrents et néanmoins amis est un grand marin. On peut déjà user jusqu’à la drisse les poncifs qui parlent d’eau de mer dans les veines, de mental en granit, de boucanier de la longue houle, de sanglier impossible à déstabiliser.

Pourtant, l’Atlantique se refuse à lui. Eric a beau embarquer des stars de la voile sur les Transat AG2R en double, comme la dernière où il termine 7e avec Marc Thiercelin, son copain des débuts au centre d’entraînement de Port-la-Forêt, il ne parvient pas à obtenir cette consécration sublime.

« Au sommet de son art »

C’est chose faite. Sous l’écrasant soleil de la baie de Cienfuegos à peine électrisée d’un grain orageux sur la ligne, Eric peut bien lever les bras au ciel caraïbe. Il devient aujourd’hui le premier marin à emporter une transat en solitaire à armes égales. Le premier aussi à déflorer aussi cette destination inédite en compétition. Eric Drouglazet entre aujourd’hui par la plus belle des portes dans la légende de la course au large en solitaire. En tête depuis le 16 avril, privé de communications satellites depuis le même jour, il signe la plus grande de ses victoires. Dominic Vittet, qui connaît bien son sujet, ne s’y trompe pas : « Eric est au sommet de son art. Il a fait une course magnifique, quasi parfaite.

Sur la partie Caraïbes, il avait une pression énorme à être leader et il a pourtant commis un sans faute. Il m’a étonné en prenant des initiatives superbes. C’est la marque des grands marins ».

Fermez le ban. Tout à l’heure en doublant le haut fond du canal du Breton le bien nommé, avant l’entrée dans la baie lumineuse de Cienfuegos, Eric Drouglazet a peut-être souri de cette incongruité des cartes marines. Il a peut-être souri encore en passant devant une gigantesque fresque qui proclame à l’entrée de la baie Bienvenidos a Cuba Socialista et il y a fort à parier que les photographes vont se régaler du cliché-choc de son Crédit Maritime-Zerotwo sur fond de propagande révolutionnaire.

Peu importe. Eric a navigué. Vécu une aventure sublime. Il va enfin rompre son silence de douze longs jours où on l’a imaginé rivé à la barre, aux réglages. Avec la houle et le vent pour seuls compagnons de route. On lui redemandera peut-être pourquoi lui, le seigneur de la régate, a eu ces mots sublimes, alors qu’il était au beau milieu de l’atlantique : « je suis entré dans le rythme de l’aventure humaine, je vis ma vie en petite autarcie, sans me préoccuper des autres ». Et si son secret était là finalement ? Si c’était cette soif insensée d’aventure, de longues traversées océaniques qui sublimaient son art ? Eric Drouglazet, de Tregunc, était déjà un grand marin. Il est immense aujourd’hui, au soleil de Cuba.

Bruno Ménard

« 15 à 17 heures de barre par jour... »

Eric Drouglazet est devenu le premier vainqueur d’une course transatlantique en solitaire à armes égales. Voici ses premiers mots.

« C’est incroyable, ce sont des moments forts dans la vie. J’en ai connu un c’était ma victoire dans la Solitaire du Figaro en 2001 et puis celle-là... c’est de loin la course la plus dure de toute ma carrière. J’imagine que chaque coureur a mis le rythme qui lui convenait... moi, je me suis donné comme un sauvage. Et ça a été payant, mais il le fallait de toutes façons, parce que je crois que si je n’avais pas gagné cette course-là j’aurais peut-être arrêté le bateau. C’est vraiment incroyable... »

« C’est du solitaire, pas du tout comme une course en double. Là quand on fait une mauvaise course, on sait pourquoi, quand on la gagne aussi ! Pour ma part, j’ai fait entre 15 et 17 heures de barre par jour non stop pendant un mois sous un soleil tuant. »

« C’est de la monotypie, à armes égales, avec le même bateau. C’est à la barre, à la barre, à la barre... tout le temps, avec une grosse dette de sommeil.. Ne serait-ce qu’un moment pour faire chauffer de l’eau, c’est dur à trouver et tu es content quand tu y arrives... Quand j’ai vu à cinq jours de l’arrivée que l’arrière de la flotte revenait, j’ai pris un gros coup au moral. Quand j’ai vu que Charles (Caudrelier) s’est fait passer, j’ai vraiment eu peur de me faire reprendre à mon tour. J’étais à la barre et pendant 12 heures je me disais, pauvre Charles, pauvre Charles... Alors je me suis fait encore plus mal sur le bateau... »

« Dans cette course, il y a eu 80% de moments durs, mais je les garderai pour moi, je les ai partagés avec ma famille. J’ai appris énormément sur moi, j’ai appris qu’on pouvait aller très très loin, il y a eu des moments où physiquement et moralement j’étais atteint. Mais quand on gagne comme ça, on oublie la douleur. On la met de côté »

« Cette victoire, je la dédie à ma fille, elle a six ans, elle commence à avoir la notion du temps. Quand je lui ai dit que je partais un mois, elle boudait pas mal et m’a dit bon alors papa, il faut que tu me promettes de gagner la course. Alors je suis content pour ma petite Pauline ! »

« La suite ? N’hésitez pas à faire passer le message, j’aimerais bien partir sur un Vendée Globe, je suis sur le marché, à bon entendeur... »



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