« Gépéto » est peint au sol près de la porte d’entrée. Pas de lézard, c’est le bon chantier. Et le couvert est prêt. Prêt à être posé dans les jours suivants. On est début juin. Les 97 minis engagés sur le 21^e Mini-Fastnet ne sont pas encore partis. Et il en est un ici qui a hâte de les rejoindre. « Un chantier réussi, c’est un chantier fini » sourit Yves Le Blévec ! « Le but est de naviguer le plus tôt possible... et de participer à l’Open Demi-Clé dans trois semaines ». Les minis en route depuis pour le Fastnet n’ont qu’à bien se tenir, le nouveau plan Lombard d’un des hommes les plus rapides autour du monde à la voile [1] va bientôt aller jouer avec eux.

L’an passé, Yves participait à la Transat 650 La Rochelle - Bahia à bord de Point Mariage, plus connu sous le nom de Déphémérid’Eux, un plan Finot construit chez Amco, cent cinquante-et-unième minis enregistré par la Classe Mini. Agé de dix ans, ce prototype reste une référence sur le circuit. Il a remporté la Mini en 2003 avec Armel Tripon. Et Yves aurait bien pu le mener sur le podium au Brésil l’an passé si le mât, en aluminium, ne l’avait, sans surprise, lâché.

Pour son nouveau prototype, Yves n’a pas choisi un nouveau Finot-Amco. Il a laissé ce choix à celui qui pourrait bien être son grand adversaire dans 15 mois : Peter Laureyssens. Le Belge, vainqueur de cette dernière mini en série sur un Pogo 2, participe à sa deuxième course sur un prototype flambant neuf, parfaite mise à jour du bon vieux 151. Le nouveau 618, aux couleurs d’Ecover, ressemble beaucoup à ses aînés, jusqu’au tableau arrière similaire aux premiers plans Finot des années 80. Full carbone, la nouvelle machine du Belge serait extra-light. Avec ses deux dérives asymétriques, son mât-aile rotatif équipé d’un mini étage de barres de flèches, sa quille pendulaire assistée de ballasts latéraux, il fait figure d’épouvantail sur le circuit. Vivement la comparaison avec le nouveau Lombard de Le Blévec !

Celui-là, c’est une évolution du Crédit Agricole Skipper Challenge de François Duguet (troisième de la Mini 2005 avec Stan Maslard) ou de Bon Pied Bon Œil (Négawatt) d’Olivier Cusin. Au moment de la visite, coque et pont sont encore séparés. Une équipe de 4 personnes est à ses petits soins dans le chantier d’Eric Beylot. « Le système de transfert de ballast est déjà en place » présente son skipper et maître d’œuvre. « Les paliers de quille aussi. Sur le pont, les renforts d’accastillage sont préparés. Tout est prêt car une fois que le pont sera en place, on ne pourra plus bosser qu’à deux sur le bateau. Le mât en carbone arrive bientôt de chez Eol Composites. C’est le même que celui de Bretagne Lapins (n°348, ex-L’Artisanat maintenant mené par David Sineau). La quille arrive aussi et tous les morceaux s’assemblent. »

Un Lombard’Eux plus rapide que Déphémérid’Eux

Tout comme les nouveaux prototypes de 6,50 mètres de long et à l’instar des plans de Sam Manuard, premiers à utiliser cette technique, le Lombard d’Yves est équipé d’une quille pendulaire et de ballasts latéraux. « Cela permet d’alléger le bulbe. Du coup on a un poids de bulbe proche de celui de Déphémérid’Eux. Mais avec la puissance en plus ! En vitesse Vitesse #speedsailing , il devrait avoir les mêmes performances en gain sous le vent mais être plus rapide au reaching et au près. » Enfin, il y a aussi les deux dérives avant dont Yves pourra régler l’incidence.

Pour mener à bien son nouveau programme, Yves dispose du soutien de son partenaire « Actual Intérim » avec un salaire sur deux ans, construction comprise. D’ailleurs dans le calcul, la revente du bateau après la Mini 2007 est intégrée. Pour le fonctionnement, Yves le compare à celui d’une saison en Figaro-Bénéteau. « Un projet comme cela, c’est du 100% full time ! » Et surtout, il ne faut pas oublier que le plus important c’est de naviguer. « On a tendance à s’attacher à la construction. Dans les teams de la Volvo Ocean Race [2], le technique est dissocié de l’équipage. Il ne s’agit pas d’aller aussi loin puisque c’est moi qui ai géré la construction. Mais en mini, c’est un piège classique. On veut trop faire un truc hyper satisfaisant au niveau de la construction et il ne faut pas oublier la mise au point du bateau et s’obliger à naviguer. »

Pour cela, Yves s’est concocté un bon programme. Après l’Open Demi-Clé, il espère participer à la course en solitaire entre Les Sables d’Olonne et les Açores. Mais il faudrait pour cela qu’il obtienne une dérogation puisque son nouveau voilier n’aura pas disputé les 1000 milles en course de qualification. Sinon, il pense aussi prendre part au Défi SNSM et même tenter un nouveau challenge pour ces bateaux : établir un record Record #sailingrecord de distance parcourue en 24 heures 24 heures Record de distance parcourue sur 24 heures . Il a lui-même déjà fait un score à 240 milles lors de la première journée de la Mini 2001. « Lemonchois aurait fait aussi un bon score » estime Yves. « En partant à 130-135° du vent par 25 nœuds, il est possible de filer à 13-14 nœuds en permanence et de suivre la progression au GPS... » Voilà de quoi intéresser aussi Laureyssens, Joschke ou Hardy, tous anciens de la Mini 2005, toujours en course pour 2007 et partenaires d’Yves au centre d’entraînement de Port-La-Forêt section mini à l’automne prochain.