
Proto 650
Jérôme Koch plante une aile sur son plan Manuard
Près de 5 mètres carrés basculants et rotatifs pour ce nouveau mini
mercredi 19 avril 2006 –
Les plans de Sam Manuard sont des avions. On le savait. Mais de là à y poser une aile... Il n’y a qu’un pas que Jérôme Koch a hardiment dépassé sur son nouveau proto. À 24 ans, le constructeur de ce nouveau prototype bientôt conforme à la jauge de la Classe Mini espère bien que son espar va lui donner des ailes. Et ainsi rivaliser avec les autres machines spécialement conçues pour la prochaine édition de la Transat 650 en 2007.

Lors du départ de la Transat AG2R, un mini n’est pas passé inaperçu. Ce n’est pas sa couleur grise façon Geronimo qui l’a fait remarquer mais plutôt son totem dressé à la vue de tous. Et quel totem ! Une pousse de bambou de 34 pieds 12 pouces. Ou plutôt une extension de carbone de 10 mètres 40 qui tient une belle grand-voile à corne et, entre deux œillets de prise de ris, un pavillon rose aux couleurs de Roxy. Un autre lien de parenté avec l’ancien mini d’Alexia Barrier qui quitte justement les côtes bretonnes pour mettre le cap sur Saint Barthélemy aux Antilles en compagnie de Samantha Davies.
Entre ce nouveau proto numéro 567 et l’ancien plan Rolland 139, la jonction se fait donc par les espars comme le confirme Jérôme Koch, le jeune skipper et constructeur de ce plan Manuard de la génération 2005. « Ce mât a été construit par Thierry Petitjean qui aussi réalisé le mât de Roxy (le mini n°139 d’Alexia Barrier) et celui du catamaran de 105 pieds Lady Barbaretta en enroulement filamentaire unique. » Pour le reste, c’est du fait maison. « La coque a été construite en une semaine en Slovénie car le moule du bateau de Bernard Gallay s’y trouvait. Ensuite nous l’avons terminée à Fréjus, à côté de la voilerie Incidences Méditerranée. » Le 567 est donc un sister-ship des plans Manuard lancés pour la Transat 650 de 2005 et en particulier des bateaux des deux Slovènes.
Un mât conçu et construit par Thierry Petitjean
Allemand d’origine, né en Belgique, résidant en France depuis l’âge de deux ans, Jérôme Koch s’est donc installé à Port-La-Forêt pour y préparer son nouveau bateau. Auparavant, il a participé à la construction de deux minis sur plans Bouvet, participé au « refit » du 139 et effectué deux saisons de courses avec son amie Alexia. Pendant qu’elle participait à la Mini, lui terminait la construction du proto. « On a travaillé pendant un an. Les seules pauses ont été pour partir au Brésil pour l’arrivée de la Mini et pour participer à deux courses avec Alexia. Le reste du temps, j’ai passé des heures, les soirs et les week-ends à tout faire moi-même, de la moindre pièce en inox au bulbe ! » Au final, mais sans compter ses heures, il a terminé le bateau pour moins de 50 000 Euros, « mât compris ». Les bateaux slovènes auraient coûté quant à eux environ 72 k€. Quant à un proto de chantier, il faut compter jusqu’au double... Par contre, avec son budget limité, Jérôme n’a pas pu disposer des plans dernier cri de Sam Manuard. L’innovation viendra donc de cet espar hors normes.
« C’est un mât construit en Nomex et M40, une fibre [de carbone] assez chère » explique Jérôme. « Il a été conçu par Sam Manuard, Thierry Petitjean et Ludo, un ingénieur qui travaille dans le chantier de Thierry. C’est le fruit d’une réflexion sur plusieurs années. Thierry qui a travaillé entre autres avec Isabelle Autissier a conçu, il y a six ans, un mât pour un Italien équipé d’un seul étage de barre de flèches. Puis il y a eu le mât de Lady B, celui pour le mini d’Alexia et enfin le mien. Pour ce dernier, on a zappé les barres de flèches. Il mesure entre 4 et 5 mètres carrés pour 540 mm de corde et 10,40 mètres de long avec un rétreint en haut. Sa rotation est limitée par l’étai, mais il peut pivoter de 100° sur son axe. D’ailleurs, il est autoporté. Il traverse le pont et il est pris en fond de coque. On utilise des bastaques pour raidir l’étai et éventuellement le basculer au vent. La tête de mât peut aller jusqu’à trois mètres de débattement, mais on va voir cela lors de la session de jauge. La bôme dite « Park Avenue » est elle-aussi une évolution de la bôme du mini d’Alexia. Cela permet de rouler la voile dedans et en plus c’est joli ! Elle est construite en sandwich Nomex et n’est pas plus lourde qu’une bôme classique en monolithique. En plus, elle permet de faire la sieste dedans ! »
Une bôme « Park Avenue » pour la sieste !
À la fois pivotant et oscillant, ce mât rappelle le concept du plan Finot-Conq de 60 pieds lancé pour Raphaël Dinelli sous les couleurs de Sodébo. Avec sa forme d’aile et sa grande surface, il fait aussi frémir en pensant au Royale II de Loïc Caradec et Philippe Facque. Pourtant, Jérôme n’est pas inquiet du risque que cela pourrait représenter dans des conditions dantesques. « Non, cela ne m’inquiète pas ! Un mât profilé avec trois étages de barres de flèches a autant de fardage dans la baston ! Et 50 à 60 nœuds de vent, cela ne reste pas drôle sur un mini, quel qu’il soit. Avec Alexia, on a eu jusqu’à 55 nœuds lors de la Mini Barcelona. C’était le premier test réel dans des conditions fortes. Autour de nous, les autres minis étaient sous tourmentin... Notre bateau lui était vautré, mais il passait en puissance. Pour l’instant, on a fait que trois sorties avec, au maximum, 25 nœuds de vent. » Tout cela sera donc à valider lors des prochaines courses.
Jeudi, Jérôme va d’ailleurs passer le contrôle de jauge obligatoire pour valider son mini dans la catégorie prototype de la Classe Mini. Il s’agira, entre autre, de délimiter les angles de rotation de la quille et du mât pour rester dans les limites du test de redressement à 90 degrés. Puis, il sera temps de rejoindre Pornichet pour participer à la première course de la saison Atlantique. Plus de 75 minis sont déjà inscrits. Jérôme est en liste d’attente. En même temps, il lui faut préparer la mise au point de son voilier et trouver un budget. « On tente de monter une équipe de huit bateaux pour naviguer au centre d’entraînement de Port-La-Forêt. Mon objectif est de participer à toutes les courses du calendrier mini jusqu’en 2007 en Atlantique et peut-être en Méditerranée. Mais je cherche encore des sous ! Soit un budget d’environ 100 000 Euros sur deux ans pour ne pouvoir faire que cela et mettre au point un jeu de voiles. »
