Tour de l’hémispère sud à l’envers

Maud Fontenoy triomphe à La Réunion

"Ça a été 5 mois avec de nombreuses galères mais je ne regrette rien"

mercredi 14 mars 2007Redaction SSS [Source RP]

Maud Fontenoy a franchi la ligne d’arrivée de son défi A Contre Courant ce mercredi 14 mars. Il était 11 h 21 GMT (15h21 heure de la Réunion, 12h21 à Paris) , quand la jeune femme a mis le point final à son aventure. La ligne virtuelle qui marquait l’accomplissement du parcours était tracée au large de Saint-Denis, à la Réunion, l’Ile d’où la jeune femme et son monocoque, L’Oréal Paris, s’étaient élancés le 15 octobre dernier. Maud Fontenoy aura passé près de 5 mois en mer, 150 jours 23 heures et 48 minutes, pour boucler plus de 21.300 milles nautiques (38.340 kilomètres).


’’ Je suis super contente ! C’est le plus beau jour de ma vie, le grand moment ! ’’, a commenté Maud Fontenoy, euphorique, quelques minutes seulement après avoir franchi la ligne d’arrivée. Une petite flotte avait pris la mer pour aller chercher la jeune femme au large, à grand renfort de cornes de brume. L’Oréal Paris a parcouru les derniers milles sous un soleil radieux, dans un vent fort et des creux de deux mètres, sous le regard des Réunionnais qui s’étaient également donnés rendez-vous à Terre pour applaudir la fin de parcours de la navigatrice.

Rayonnante, la jeune femme répondait aux nombreux signes d’affection que lui envoyait son escorte, un immense sourire aux lèvres. Avant de brandir son feu à main pour fêter cette victoire, saluée par les fumigènes déclenchés par les bateaux de la SNSM, sous les bruits mêlés des applaudissements, des moteurs et des hélicoptères.

’’ Ca a été 5 mois avec de nombreuses galères mais je ne regrette rien. Ca valait vraiment le coup. Ce passage de ligne a été un moment très intense, un mélange d’émotions très fortes. La conclusion que je tire c’est que je suis allée au bout de moi-même. Ce n’est pas une question de gros bras mais une question de volonté ’’, explique Maud.

Maintenant, il va falloir rejoindre la terre ferme. Un dernier transit qui s’effectuera demain matin. Le skipper a tenu à rester auprès de sa monture pour une dernière nuit avant de fouler enfin le ponton. Des milliers de réunionnais sont attendus pour célébrer avec elle ce succès alors qu’une effervescence gigantesque s’est emparée de l’Ile.

Des centaines d’enfants lui réservent un accueil chaleureux et festifs, chansons à l’appui. ’’ Maintenant j’ai vraiment hâte de prendre une douche et de m’habiller comme une fille. Je vais reprendre mes habitudes à terre, boire de l’eau pure dans un verre, ça va être un vrai bonheur ’’, dit la jeune femme. ’’ Ce voyage m’a ouvert aux autres. Je pense que ce voyage sera très probablement le dernier que je ferai en solitaire. J’ai fait le tour de la question et j’ai trouvé les réponses. Aujourd’hui je veux me consacrer aux autres. ’’

L’arrivée de Maud marque la fin d’un périple fait de grandes joies et de moments plus douloureux.

Le 15 octobre, au poste 8 du port ouest de la pointe des galets, la navigatrice avait largué les amarres avec, devant l’étrave, trois caps à franchir. ’’ Premières heures, premiers jours douloureux ; la rupture est de taille. Je viens de quitter des milliers de personnes venues me dire au revoir, un monde où je n’ai cessé de courir, de téléphoner, d’organiser des centaines de choses, pour me retrouver maintenant face à moi-même et à l’immensité, seule... et pour longtemps. J’ai beaucoup pleuré, beaucoup vomi, mon corps se révolte et tremble de partout ’’, écrit Maud dans son premier journal de bord. L’aventure commence sans round d’observation, avec 35 Noeuds de vent et une mer formée d’entrée. Les deux premières semaines de mer son difficiles. La jeune femme doit apprivoiser son bateau, s’habituer à l’Océan.

Le 31 octobre, première étape symbolique, Maud Fontenoy et L’Oréal Paris passent le Cap de Bonne Espérance, au sud de l’Afrique du Sud. Au menu : 60 nœuds, des vagues de 10 mètres et un trafic maritime régulier. ’’ Il a fallu assumer ces difficultés, mais ce qui est positif, c’est que le bateau a bien tenu le coup. Cette expérience m’a renforcée et m’a donné confiance en moi. Je suis très contente d’avoir franchi ce cap, ce n’est pas un tiers du parcours, mais c’est déjà une grande étape ", raconte alors la jeune femme alors qu’elle vient de basculer dans l’Atlantique. Un Océan qui, certes ouvre ses portes, mais s’offre d’abord dans la douleur. Les dépressions se multiplient. La jeune femme est obligée de remonter au nord, s’écartant de sa route directe. Puis un anticyclone la ralentit considérablement. Maud prend son mal en patience, rappelle sa philosophie, ’’ découper la montagne en petits morceaux, avancer étape par étape ’’. Elle replonge alors au sud vers le Cap Horn, autoroute marine surchargée de vagues. Le mythique rocher noir est franchi le 7 décembre, près de deux mois après le départ. ’’ La liberté est à la fois belle et cruelle. Les moments de grâce, il faut sévèrement batailler pour les obteni r’’, commente Maud heureuse mais vigilante alors que les conditions de mer confirment la réputation de ce goulot d’étranglement océanique. ’’ Les dépressions grossissent devant moi. Je suis trop secouée et fatiguée pour vraiment goûter ce moment magique. Je ne pense qu’à m’éloigner des hauts-fonds qui provoquent une très forte houle à proximité du cap ’’.

L’Océan Pacifique révèle alors à la navigatrice que son nom n’a rien à voir avec les conditions qu’il propose. Maud savait que les heures qui l’attendraient une fois sur place seraient, sur le papier, les moins évidentes de l’aventure. La jeune femme, file vers la Nouvelle Zélande, dans un tunnel où le soleil ne brille quasiment jamais. ’’ J’ai eu beaucoup de soucis avec la météo au passage du Cap Horn. Je me suis fait peur. Je n’ai finalement fêté mon passage que bien après, avec mon plat réunionnais préféré : rougail saucisses et riz, accompagné d’un rhum arrangé à l’ananas. Pas facile de savourer le passage du Cap Horn quand on enchaîne dépression sur dépression. Dans le Pacifique sud, il fait toujours très froid. L’eau est à 3°C et la cabine de L’Oréal Paris, à 4°C. ’’ C’est au coeur de cet océan compliqué, dans les 40è rugissants que Maud passe Noël, seule en mer. ’’ Le miracle ce soir là fut surtout d’avoir 2 heures de soleil. C’était magnifique de voir le bleu du ciel. ’’, décrit Maud, partie elle aussi à la chasse aux cadeaux que ses proches ont dispatché dans la cabine de L’Oréal Paris. Le basculement vers 2007 s’effectue en mettant le cap vers la Nouvelle Zélande franchie à la mi-janvier. Maud longe alors le sud de l’Australie avec une promesse en tant qu’espoir : passer le Cap Leeuwin et goûter à nouveau à la chaleur et au soleil.

Le deux février, la jeune femme franchit le troisième des caps qui jalonne son parcours. ’’ C’est une porte qui se ferme et une autre qui s’ouvre vers des mers plus chaudes et la remontée de l’Océan Indien ’’, dit la jeune femme qui s’avoue ravie de quitter les mers du Sud. ’’I l faut être allé dans ce pays de l’ombre pour pouvoir l’évoquer. ’’ Maud entreprend alors sa dernière ligne droite vers la Réunion. Retour du soleil et avec lui du sourire. ’’ Je suis en super forme. Le ciel s’est découvert et j’apprécie cette nature fascinante, les mots qui me viennent à l’esprit sont enchantement et émerveillement. J’ai le sentiment d’être en train de me réconcilier avec l’océan, d’oublier ces mers très dures, très froides et très violentes et de faire la paix avec mon environnement. ’’ L’arrivée s’annonce alors pour la fin février, mais la donne va changer...

10 février : Maud démâte. Il était midi à Paris, 11 heures GMT. La jeune femme naviguait à 900 milles à l’est de l’Australie. ’’ J’étais à 7 nœuds avec une mer normale, le vent soufflait à 20-25 nœuds. Le mât est tombé d’un seul coup et s’est cassé en deux. Il est tombé à côté de moi mais j’ai pu sauter dans le cockpit et je n’ai pas été blessée. Maintenant, il y a un des morceaux qui est dans l’eau et qui tape contre la coque. Il fait nuit noire, je n’ai plus de lumière ni d’instruments de navigation. Je suis sous le choc.’ ’ Maud est d’abord abattue par cette avarie si près du but. A Terre, l’assistance s’organise. La Marine nationale et L’Oréal Paris mobilisent leurs relais en Australie pour envoyer des bateaux à sa rencontre. Un cargo allemand se détourne et prend sa direction, un second bateau largue les amarres depuis Perth. Après la déception, l’action. Maud Fontenoy décide qu’elle construira un mât de fortune et qu’il est hors de question que l’aventure prenne fin après 4 mois de mer. ’’ Je n’ai vraiment pas envie d’abandonner. Je vais essayer de monter la bôme pour en faire un espar auquel je vais gréer une petite voile. Le but est de rallier l’Ile de la Réunion. ’’ Maud s’attaque alors aux réparations : d’abord nettoyer le pont du bateau puis y ramener la bôme, la dresser à la verticale pour la transformer en mât de fortune. A terre, son père, son frère mais aussi Jean-Luc Van den Heede, l’ancien propriétaire du L’Oréal Paris, établissent avec elle les plans pour remettre la machine en route. Et 4 jours plus tard ; la jeune femme reprend sa route sans aucune assistance. ’’ J’ai vécu des expériences intenses et variées. Moi qui aime l’extrême j’ai été servie ! Entre le choc psychologique de voir le mât tomber à côté de moi, l’angoisse des coups de boutoir du mât sur la coque toute la première nuit, puis devoir envisager de quitter le bateau, ce à quoi je ne m’étais pas préparée mentalement... Et puis finalement, échelon après échelon, j’ai réussi à gravir ce long escalier en colimaçon. ’’

Sous son mât de fortune, la navigatrice s’élance vers cette île qu’elle attend avec impatience, ’ ’son paradis ’’, comme elle la qualifie désormais. A une semaine de l’arrivée, la Jeanne d’Arc, porte-hélicoptères de la Marine nationale lui rend une visite surprise. Les 700 hommes d’équipage brandissent une banderole : ’’ Bon courage Maud ! ’’ Sur la voile blanche qui orne son mât, Maud a rappelé sa devise favorite : ’’ Fais de ta vie un rêve et de ce rêve une réalité ’’, écrite avec des morceaux de rubans adhésifs colorés. Le mardi 13 mars, Maud commence à voir les lueurs de la terre dans la nuit. Dernières heures en solitaire au côté de la Boudeuse, un patrouiller de la Marine où son père a pris place. ’’ La nature va me manquer. L’Océan est un vrai élixir de bonheur pour moi, même si c’est parfois difficile, j’ai savouré ces derniers instants. Là je suis vraiment prête pour l’arrivée. Je suis super heureuse !’ ’ concluait Maud ce mercredi matin alors que le compte à rebours final avait commencé.

Info presse Agence Blanco Negro / www.maudfontenoy.com



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