Catamaran We Explore

Roland Jourdain : "On n’a pas inventé le bateau bio mais c’est un nouveau pas en avant"

mardi 15 juin 2021Redaction SSS [Source RP]

Roland Jourdain va lancer dans les prochains mois la construction d’un multicoque. C’est la première fois qu’un catamaran de cette taille – 18m28 – intégrera autant de biomatériaux. « Ce projet est la continuité du travail et de l’engagement de toute une équipe afin de limiter notre impact sur l’environnement. Faire mieux avec moins est un challenge permanent où se mêlent chez nous ténacité et humilité » résume Roland. Le bateau sera aux couleurs du fonds Explore, qu’il a créé avec Sophie Vercelletto, et est baptisé We Explore.


Depuis une dizaine d’années, Roland planche avec ses équipes de Kaïros Environnement sur l’utilisation de la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre. Dès 2013, il construit avec ces nouveaux matériaux un premier trimaran de 7 m – Gwalaz – qui sert encore aujourd’hui de plateforme de test. Cette expérience, ainsi que le travail sur des surfs, des paddles et d’autres bateaux rendent possible aujourd’hui la construction d’un multicoque de grande taille.

Un bateau pour tracer un nouveau sillage

We Explore est conçu pour faire rêver car une approche écoresponsable n’empêche pas la recherche de performance. « Le plaisir doit rester central. Pour faire bouger les lignes, il faut proposer des solutions alternatives séduisantes et c’est ce que nous recherchons avec We Explore. » Le catamaran est un Outremer 5X, dessiné par le cabinet VPLP pour les grandes chevauchées océaniques. A l’œil nu, il est très proche de ce spectaculaire multicoque mais c’est du côté de la construction que les choses changent. Pour la première fois, la fibre de verre est délaissée au profit de la fibre de lin, fournie par le leader : Terre de Lin. « La fibre de lin présente beaucoup d’avantages. Elle est produite en circuit court, a des propriétés proches de celles de la fibre de verre et est beaucoup moins énergivore à produire » résume Roland Jourdain. C’est en effet en Normandie que le lin est produit et il y pousse facilement. Chistophe Baley, professeur à l’Université de Bretagne Sud est un grand spécialiste des fibres végétales et lui prête une autre vertu : « C’est un test à grande échelle pour utiliser la biomasse, et ainsi stocker le CO2, dans un produit industriel » résume l’universitaire.

« Questionner nos usages »

Dès aujourd’hui, We Explore est pensé pour avoir plusieurs vies. D’abord destiné à la performance et la vitesse, le multicoque sera dans un premier temps équipé a minima afin d’être léger et rapide. Une fois qu’il aura fait la preuve de ses capacités marines, il embarquera les explorateurs de la fondation et leurs différentes missions qu’il s’agisse de recherches, d’innovations ou de sensibilisation.

Roland Jourdain et Sophie Vercelletto ont créé le fonds de dotation Explore en 2013 « Une île de solutions »

Depuis sa création, Explore et ses fondateurs ont la vocation de faire évoluer nos usages et nos modes de consommation et ce bateau va permettre de sensibiliser les entreprises et le grand public à cette démarche. Avec son franc parler, Roland explique son état d’esprit : « Parce que nous avons atteint les limites planétaires, il est urgent d’agir concrètement avec l’aide des technologies et d’y associer de nouveaux modes de consommation responsable ». L’académicien Erik Orsenna, ambassadeur du projet, parle pour sa part d’une « île de solutions », une formule qui résume l’ambition de ce projet.

Un équipage de partenaires

La construction de We Explore est rendue possible grâce aux premiers partenaires majeurs que sont la Fondation Bureau Vallée, la coopérative Terre de lin et le chantier Outremer. Les enjeux environnementaux font échos aux défis que rencontrent les entreprises aujourd’hui puisqu’il faut réconcilier les modèles économiques avec les limites planétaires et donner au plus grand nombre les moyens de se mettre en action. Et Roland de rappeler : « L’équipage de sponsors et mécènes ne demande qu’à s’agrandir autour du programme de ce catamaran démonstrateur/ambassadeur et inspirant. Venez écrire un nouveau chapitre avec nous ! ».

Dès le mois de septembre, We Explore entrera en construction au sein du chantier Outremer (groupe Grand Large Yachting) à La Grande Motte. Il tirera ses premiers bords au début de l’été 2022.

Le bateau :

  • Chantier : Outremer
  • Architecte : VPLP
  • Longueur : 18,28 m
  • Largueur : 8,58 m

La fibre de lin : un matériau tout terrains

Le lin est une fibre végétale de plus en plus utilisée dans l’industrie ainsi que dans l’artisanat. Kaïros environnement a ainsi breveté un nouveau biomatériaux, le Kairlin®, utilisé en mobilier. La fibre de lin est également utilisée sous différentes formes, par exemple pour fabriquer des skis ou les membranes des enceintes. Ces biomatériaux sont recyclables, compostables et bénéficient de propriétés mécaniques proches de la fibre de verre. Christophe Baley, professeur à l’Université de Bretagne Sud est un grand spécialiste des fibres végétales et lui prête une autre vertu : « C’est un test à grande échelle pour utiliser des biocomposites pour mouler une grande coque de navire, et ainsi stocker le CO2 » résume l’universitaire.

. : INTERVIEWS :.

Roland Jourdain, Skipper :

« Nous avons créé Explore il y a presque 10 ans et on mesure aujourd’hui le chemin parcouru car les idées que l’on défend sont partout. On travaille sur quelque chose qui est plus grand que nous et que ce projet nous permet de mettre en lumière. On a fait la preuve du concept et on veut aller encore plus loin. La philosophie d’Explore, c’est d’être dans le faire. On n’a pas inventé le bateau bio mais c’est un nouveau pas en avant. On continue le chemin avec beaucoup d’humilité. On a le droit de se tromper et de se heurter aux cailloux. Nous voulons faire mieux avec moins et l’on sait que le changement ne viendra pas uniquement de la technique. Ce sont les usages qui doivent évoluer et nous devons essayer de vivre autrement. Nous sommes heureux de travailler avec du lin car c’est le lien entre la terre et la mer. Notre projet est de protéger les océans mais on sait que 80 % de la pollution vient de la terre. Nous ne sommes ni des marins ni des terriens mais des merriens et nous sommes en pleine conscience avec ça. Je suis très fier et très heureux de partager toutes ces valeurs avec la fondation Bureau Vallée, la coopérative Terre de Lin et le chantier Outremer. »

Erik Orsenna, Académicien :

« Ce bateau n’est pas qu’un bateau : c’est une île de solutions. Il n’avance pas seulement vers l’horizon, il prépare l’avenir. Il n’embarque pas que des marins : il accueille tous ceux qui, s’émerveillant de ce miracle qu’est la Terre, veulent la protéger des folies humaines. »

Bruno Peyroles (Fondation Bureau Vallée) :

« Nous nous sommes engagés auprès de Bilou car il mène des actions opérationnelles, concrètes. Ca n’est pas pour faire joli, c’est pour mener des actions qui font bouger les choses et cela nous correspond bien. Nous avons rejoint son fond de dotation il y a plusieurs années et aujourd’hui nous l’accompagnons sur ce projet à travers notre fondation « Bureau Vallée pour une planète heureuse ». Nous sommes également présents dans la course au large, aux côtés de Louis Burton qui vient de boucler un très beau Vendée Globe. Ce sont deux projets complémentaires et Louis envisage même d’utiliser le Kairlin® pour certaines pièces de son bateau. En tant que distributeur nous réfléchissons à utiliser des biomatériaux pour des agencements de magasin ou certains objets plastiques. Les applications sont nombreuses. »

Guillaume Hémerick (Président Terre de Lin) :

« Avec ce projet, on rassemble deux mondes qui ne sont pas en relation d’habitude. Le monde agricole et le monde de la mer. Ce bateau va naitre dans un champ et c’est une idée qui me plait beaucoup. Nous partageons beaucoup de valeurs avec Roland et Sophie car ils veulent construire le monde de demain de manière pragmatique, sans dogme, et ça nous correspond. Nous sommes à la recherche de solutions innovantes et sommes très heureux qu’il y ait un projet d’ampleur sur les composites car il est possible de remplacer le composite carboné par du composite végétal. C’est un vrai défi que l’on doit relever ensemble. »

Thierry Goujon (Directeur Terre de Lin) :

« Ce qui nous a amené dans cette aventure, c’est le côté technique car nous sommes à la recherche de nouvelles applications pour nos fibres. Nous avons été séduits par la philosophie du projet et nous partageons les mêmes valeurs tant humaines qu’entrepreneuriales. La naturalité est un de nos axes stratégiques car, dans toutes nos pratiques, nous devons aller vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Nous voulons utiliser ce projet comme un moyen de fédérer nos producteurs et salariés dans une aventure qui est nouvelle. »

Xavier Desmarest, Outremer (Groupe Grand Large Yachting) :

« Ce projet avec Bilou est une évidence pour Outremer car notre groupe Grand Large Yachting est engagé pour construire un nautisme durable. C’est la continuité naturelle du travail effectué avec Kaïros dans le cadre du projet BIOBAT sur la recherche et la mise au point de matériaux bio sourcés. Notre ambition est que ces nouvelles technologies arrivent un jour sur tous les bateaux et permettent d’avoir un impact positif sur notre empreinte carbone. Pour avancer concrètement, il est nécessaire que des pionniers comme Roland s’engagent et prennent des risques pour mettre en lumière les obstacles et permettent de les dépasser. Nous sommes très fiers d’apporter nos savoir-faire et la passion de nos équipes pour accompagner Bilou et toute l’équipe Kaïros dans ce beau projet aux valeurs nobles et qui donne du sens. »

Marc Van Peteghem, architecte

« Il est trop tard pour être pessimiste, et le projet que porte Roland nous permet de nous projeter dans la bonne direction, comment repenser la navigation de plaisance comment redécouvrir le bonheur d’être sur l’eau pour ce que cela a d’essentiel, le clapotis de l’eau contre la coque, les lumières, la facilité avec laquelle les coques glissent dans l’eau, le bonheur d’être ensemble dans une économie de moyens et d’énergie qui font plaisir par ce que l’on besoin de rien d’autre, tout et là. »


 Communiqué Matthieu Honoré / www.we-explore.org

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