Record
Mayeul Riffet a rallié Marseille à Calvi en en 14 heures 17 minutes
mardi 13 septembre 2011 –
Il ne lui aura fallu qu’un peu plus de 14 heures pour rallier Marseille à Calvi en Kitesurf... Le 5 septembre dernier, Mayeul Riffet a offert à la discipline du Kitesurf un nouveau record, une performance frôlant l’exploit humain, tant le défi de base était osé et colossal.
Parti à l’aube en Kitesurf, le lundi 5 septembre à 07h 15mn 14s (heure française) au large de l’île Tiboulen à Marseille, Mayeul Riffet a franchi la ligne d’arrivée à Calvi en Corse à 21h 32mn 14s. Il a ainsi rallié Marseille à Calvi en 14 heures 17 minutes et 15 secondes parcourant une distance réelle totale d’environ 200 milles. Mayeul établit donc par sa performance le premier temps de référence en Kitesurf entre Marseille et Calvi. Une traversée jusqu’alors jamais tentée et surtout une durée de navigation titanesque en Kitesurf !
Au lendemain matin de cet exploit, on ressent une immense sérénité dans la voix de Mama (Mayeul Riffet) mais aussi beaucoup de lucidité sur ce qu’il a vécu : l’envie de faire demi-tour après les premières heures en voyant que la météo n’était pas du tout celle prévue sur les fichiers prévisionnels, une route qui s’allonge et s’allonge encore avec un vent mal orienté, une mer désorganisée qui se creuse et devient très difficile, un gros semi-rigide qui pourtant peine parfois à suivre dans ces conditions, la nuit qui tombe et qui remet tout en cause à quelques heures de l’arrivée, les jambes qui deviennent lourdes au fil des milles, les changement de voile impératifs avec le vent qui forcit, les petits soucis techniques qui arrivent... Autant d’épreuves et d’obstacles que Mayeul a su surmonter pour parvenir à cette performance.
Mais cette aventure dopée par une formidable envie de réussir fut aussi riche en plaisirs et découvertes : une équipe sur le semi-rigide qui l’encourage sans cesse, des gens à terre qui le soutienne, le rayon de lune qui se lève lorsque la nuit commence à réduire à néant les possibilités de navigation, les baleines sauteuses qui viennent le soutenir sur la fin, le plaisir d’être sur l’eau seul face à soi-même...
Vous l’aurez compris, Mayeul Riffet a souffert, il est allé au bout de lui-même mais en même temps il s’est beaucoup amusé. Et si rien ne s’est déroulé comme prévu il a su trouver les ressources pour avancer, celles des marins et des sportifs qui vont au bout de leurs exploits et de leur rêve.
« En mettant les pieds à terre vers 22h, j’avais l’impression d’être un papy de 80 ans qui avait bu 15 mojitos... Mais Dieu que c’était bon ! », déclarait Mayeul Riffet après son exploit.
– Info presse Vincent Olivaud / www.facebook.com/corsikit
INTERVIEW DE MAYEUL RIFFET
Mayeul, tu viens d’établir un temps de référence en KiteSurf entre Marseille et Calvi, dans des conditions météo difficiles. Quel est ton sentiment aujourd’hui ?
Celui qui prime aujourd’hui ? C’est d’être heureux d’avoir mené un projet de A à Z avec une issue positive ! C’était un projet audacieux avec plusieurs inconnues : la résistance physique, la résistance morale, la navigation en kite sur une aussi longue distance... Je savais que c’était possible, mais il restait de grandes questions et notamment du côté technique avec par exemple quels angles peut-on tenir par rapport au vent, quid de l’incidence de l’état de la mer... J’ai également énormément appris, j’ai un peu de fierté d’avoir pu aller au bout et je suis heureux d’avoir vécu quelque chose de très fort humainement avec l’équipe d’accompagnement et mes partenaires. Finalement je n’ai qu’une hâte : rebondir et recommencer !
Comment t’es venu l’idée de ce projet ?
Au départ parce que quand j’ai commencé le kite j’ai trouvé que la manière actuelle de naviguer n’était pas très intéressante. Je ne suis pas fan de freestyle et des choses comme ça. Quelque chose me manquait et l’idée de pouvoir naviguer différemment, de coupler le kite et la course au large est née. Ainsi quand j’ai pris connaissance de la traversée de Manu Bertin (St Tropez/ Calvi) et du team F-One, cela m’a poussé à explorer cette voie. J’avais besoin de m’éclater au large et de montrer que le kite ce n’est pas forcément sur une mer plate et près du rivage. L’aspect développement technique associé me plaît aussi beaucoup. D’ailleurs ma rencontre avec Benoit, un shapeur (JBK) qui avait commencé à développer des planches dans ce sens a été primordiale. (C’est lui qui a fabriqué la planche pour Momo, Sylvain Maurin, pionnier du Kite avec laquelle Mayeul a effectué sa traversée, et fort de cette expérience il développe aujourd’hui pour Mayeul une autre planche. NDA) Et enfin il y a une vraie notion de plaisir qui m’a guidé : j’aime la mer, le large, les grosses vagues, le plaisir de surfer, le fait de ne pas faire de simples aller/retour...
C’est encore un peu marginal comme discipline le Kitesurf au large (speed crossing). Beaucoup de gens t’ont soutenu ?
Au début je suis un peu passé pour un extra-terrestre ! Des gens n’ont pas pris la mesure de la chose en me disant « et bien vas-y » ! D’autres ont clairement douté de ma capacité à y arriver et du fait que ce soit faisable. C’est aussi ce qui m’a motivé ! Et puis à force d’insister et de persévérer quelques personnes se sont intéressées au projet et ont commencé à me soutenir. Mais jusqu’à la fin beaucoup m’ont demandé si j’étais sûr de vouloir partir. Et surtout depuis Marseille. A tel point que j’ai fini par douter sur mon manque d’expérience et sur ma capacité physique ! 150 milles me paraissaient cependant faisables... Mais si l’on m’avait dit 200 milles dans une grosse mer, je ne sais pas si je serais parti !
Comment s’est déroulée la traversée, au niveau technique ?
Sur la traversée je n’ai globalement pas eu de gros problèmes. J’étais accompagné par une équipe sur un gros semi-rigide pour l’assistance et la sécurité qui a super bien assuré. Quelques petits soucis techniques (voile, VHF...) nous ont fait prendre un peu de retard mais rien de bien méchant. Après c’est surtout que j’ai été obligé d’aller beaucoup plus dans le sud que prévu (et donc d’allonger fortement la route) qui a été pénalisant. C’est vraiment l’état de la mer associé à quelques détails qui ont perturbé le déroulé de la traversée. Sur le plan logistique j’ai bu environ 10 litres d’eau ; et ce n’est pas simple à gérer avec une mer comme celle que j’ai eu ! Il y a d’ailleurs beaucoup de choses à améliorer sur ce sujet (récupération de l’eau, de la nourriture...) pour s’arrêter le moins possible, ce qui était l’idée. J’ai fais 2 Pitt Stop de 5 /10 mn sur le semi-rigide en 200 milles pour entre autre me masser les mollets et me restaurer un peu. Mais j’ai regretté en repartant ! C’est très difficile de se remettre en route et les premières minutes sont très douloureuses ! Sinon sur un plan plus technique c’est moi qui ai décidé de la route, tout en parlant avec l’équipe bien sûr. C’est le ressenti qui décide sur le moment ! Sur le semi-rigide ils ont essayé de me faire partir dans l’est plutôt mais j’ai refusé. Je voulais vraiment aller chercher dans le sud la bonne bascule de vent et surtout une mer plus maniable. Un outil de navigation sur moi (carte, GPS...) plus pratique aurait été bien afin de bien me rendre compte de la route. Là, comme c’est le ressenti qui a primé, j’avais du mal à écouter les conseils de route du semi-rigide. La prochaine fois je communiquerai mieux avec eux, c’est très important. Enfin pour finir j’avais prévu de devoir naviguer de nuit et de naviguer seul si le semi-rigide avait un souci. Et bien m’en a pris puisque j’ai fini de nuit !
L’idée de renoncer t’a titillé pendant la traversée, en voyant que les conditions n’étaient pas celles annoncées ?
Oui ! Très vite j’ai su que la traversée allait être beaucoup plus longue que prévue, à cause de l’état de la mer qui m’a obligé à aller beaucoup plus loin dans le sud que ce que j’avais imaginé. Et plus que l’idée de renoncer j’ai surtout assez vite douté de ma capacité à réussir. J’ai même pensé que c’était inutile de continuer sachant le retard pris et le combat si physique qui s’annonçait. A un moment donné, vers 13h, j’ai enfin pu empanner en bâbord et commencer à gagner dans l’est. Une heure après les gars du semi-rigide m’ont annoncé 105 milles restants... et ça m’a clairement démonté le moral... Dans ma tête je pensais l’affaire cuite ; même à 20 nœuds de moyenne je ne pouvais pas arriver avant la nuit ! Mais j’ai voulu aller au moins jusqu’au coucher du soleil, pour ne rien regretter et tout donner. J’ai du faire 6 heures en bâbord à « donf » sans jamais quitter le mode kiteloop (c’est à dire faire faire des 360° à la voile, ce qui donne de la puissance à la voile et permet de naviguer plus abattu, NDA)... et dans une mer bien formée et mieux organisée... 6 heures de surf diablement enchainées. Et puis au moment où cela ne devenait plus possible de naviguer à cause du crépuscule, il y a eu ce petit quart de lune rasant qui donnait du relief aux vagues, les 3 baleines qui ont sauté dans les vagues et la vue de la côte au loin. Tout cela m’a redonné la pêche et j’ai continué. Mais jusqu’à peut-être 3 milles de l’arrivée j’ai été dans le doute. La seule chose qui était sûre c’est que seule la tombée du jour pouvait m’arrêter, pas autre chose. Mais je n’ai pas lâché. Et avec ces petites aides de la nature j’ai mis deux flash light, une lampe frontale au cas où, car elle m’éblouissait plus qu’elle ne m’éclairait, et go ! Je ne voulais pas, je ne pouvais pas m’arrêter là. Mais moralement c’était terrible...
Qu’est ce qui a été le plus difficile ?
Décider de naviguer dans le noir je crois... Le plus dur a dû être ce choix là ; autant pour moi que pour les gars du semi-rigide d’ailleurs. C’était super stressant. C’était irraisonnable...
Alors le kitesurf de nuit ça donne quoi ?
Et bien c’est assez étonnant ! Finalement tu en viens à te demander si tu n’y arriverais pas les yeux fermés ! Parce que après 14h tu es quand même bien dans le rythme et le tempo. Par contre techniquement ce n’est pas très intéressant... Mais au bout du compte je suis assez surpris de la manière dont ça s’est [bien] passé. Sauf que clairement tu n’as pas le droit à l’erreur ; si la voile tombe dans l’eau c’est très dur de repartir... rien que pour savoir dans quel sens elle est ! Du coup cela m’a donné des idées, on pourrait développer cet aspect !!! Même si soyons honnêtes, cela reste à éviter quand même !
C’est un gros défi physique ? Comment t’es tu préparé ?
J’ai repris un training physique quotidien avec beaucoup de footing, des entraînements en kite... J’ai également beaucoup travaillé sur mon alimentation. J’étais aidé sur cette préparation par Jean Lenoir, notre ancien coach du temps de Banque Populaire avec Lalou Roucayrol. Merci Jeano.
Ton pire moment ?
Quand les gars du zod m’ont annoncé 105 milles restant peu après mon empannage ! J’ai pourri les gars alors qu’ils n’y étaient pour rien ! En fait je redoutais cette annonce, on avait convenu de m’annoncer les 50 et les 100 milles parcouru. Et au moment ou ils m’annoncent les 105 je m’apprêtais justement à leur demander de ne pas le faire....Dans ma tête le calcul a été bref : même en allumant comme un dingue, je ne serais pas à Calvi avant la nuit. Le projet était fichu...
Ton meilleur moment ?
Les baleines ! 3 baleines qui font des sauts dans les vagues dans une ambiance fantomatique... Le regard halluciné par la fatigue... Juste le pied.
La suite de tes projets ?
La route du Rhum ! Mais pas en Kite ! [rires] En multicoque bien sûr, avec les équipes du Sensation Sailing Team, qui ont d’ailleurs été parmi les premiers à me soutenir sur ce projet. Et puis continuer le kite dans ce sens, avec d’autres défis peut- être et pourquoi pas l’organisation de courses ! J’en profite pour remercier tout particulièrement l’équipe du semi-rigide : Lalou, Romaric, Vincent et Morgan, ainsi que tous mes partenaires sans qui je n’aurais jamais pu partir. Un grand merci aussi à Benoit et Momo qui m’ont vraiment fait gagner un temps précieux et sans qui je n’aurais peut être jamais pris le départ. Idem à toi Philippe Petillo mon ostéo de toujours qui m’attendait à Calvi fruit d’un pur hasard.