Course | Class 40
Les Sables - Horta - Les Sables : Carpentier & Mergui vainqueurs de 3 minutes 14’’ devant Trehin & Denis
jeudi 8 juillet 2021 –
Trois minutes et 14 secondes : voilà donc l’écart, infime, qui a finalement séparé les deux leaders de cette Les Sables – Horta – Les Sables 2021 sur la ligne d’arrivée, ce matin. Un écart dérisoire au terme de 2 540 milles de course et près de onze jours de mer. Onze jours éprouvants autant qu’intenses lors desquels Antoine Carpentier et Mikaël Mergui (Redman) puis Axel Trehin et Frédéric Denis (Project Rescue Ocean) ont pris l’avantage dès le début avant de franchement faire le break lors du troisième jour, au passage d’un col barométrique, au large du cap Finisterre. Dès lors, seuls Ian Lipinski et Ambrogio Beccaria (Crédit Mutuel) ont réussi à les inquiéter. Sur la route retour des Açores, le tandem franco-italien, comme ses deux rivaux, a aligné les milles à des moyennes supersoniques, explosant, au passage, le record de la plus grande distance parcourue en 24 heures en Class40 : 428,82 milles ! S’il reste encore 16 binômes en mer, dont les arrivées devraient s’étaler sur près de six jours, cette 8e édition promet, d’ores et déjà, de rester dans les annales de la course au large !
« Le scénario de cette Les Sables – Horta – Les Sables est dingue ! Improbable même ! Finir premier avec seulement trois minutes et des poussières d’avance sur le deuxième, c’est hallucinant. On savait que les 24 premières heures de course seraient décisives et cela s’est vérifié. Très vite, la moitié de la flotte a encaissé plus de 100 milles de retard. Ensuite, c’est régulièrement parti par devant », a commenté Mikaël Mergui dont la seule expérience en Class40 avant celle-ci avait été une participation à la Normandy Channel Race 2021, en double avec Emmanuel Hamez. « J’ai été surpris de l’engagement demandé sur ces bateaux » a ajouté le co-skipper de Redman pourtant rompu à des supports exigeants comme l’AC45 ou le TP52. De fait, la cadence imposée par le duo Axel Trehin – Frédéric Denis les a contraints, lui et son acolyte, à mettre le curseur très haut dans tous les spectres du jeu. En prime, la météo, très variée, ne leur a laissé que très peu de répit, avec un aller mouvementé marqué par trois passages de fronts, puis un retour plein gaz au portant, avec d’inévitables sorties de piste. « Sur nos onze jours de course, la moitié peuvent être qualifiés de violents ! », a relaté le skipper de Redman. A bord de Project Rescue Ocean, Fred Denis en a d’ailleurs fait les frais. Le vainqueur de la Mini Transat 2015 en Proto, qui s’est trouvé catapulté à l’intérieur de son Class40, après un arrêt buffet inopiné dans une vague, moins de 24 heures après le passage de la bouée de Horta. Un choc qui l’a méchamment secoué, le blessant alors dos et aux côtes.
En mode match-racing
« Après ma chute, il y a eu une phase où j’ai vraiment été dans le dur. Je n’ai plus été bon qu’à régler la télécommande du pilote automatique et à reprendre de l’écoute de GV à raison de 10 centimètres par minute. Pour chaque action, j’ai pris mon temps pour ne pas aggraver les choses et aider au maximum », a raconté Fred Denis, littéralement assommé par la douleur et les anti-inflammatoires lors des trois derniers jours de course. Son co-skipper a donc dû mettre les bouchées doubles pour faire face aux attaques du duo Carpentier – Mergui qui a fini par reprendre le commandement, hier à la mi-journée. « Jusqu’à ce que Fred se fasse mal, on était dans un super rythme, on anticipait bien les choses et on prenait bien soin de nous. Ensuite, tout a volé en éclat. Il a fallu se réadapter car dès lors, il n’y a plus eu de règles. C’est devenu l’anarchie et il a fallu organiser cette anarchie pour que ça reste vivable et performant », a indiqué Axel, les trais bien tirés après une nuit incroyable où sous l’effet de l’adrénaline, il a tout donné, parvenant à susciter de belles sueurs chez ses adversaires. « On a vraiment serré les fesses, les dents et tout ce qu’on a pu ! Toute la nuit, on l’a cherché à la jumelle, à l’AIS... On n’était pas sûr qu’il était toujours derrière nous, et, d’un coup, il est apparu juste derrière. On a alors joué à fond le jeu du marquage pour le contrôler jusqu’au bout », a détaillé Mikaël qui, avec son acolyte, a finalement remporté la mise pour une poignées de minutes. Trois exactement. Autant dire bien peu de chose à l’égard de la distance parcourue.
Une erreur qui coûte cher mais un record dans la poche
« Il y a eu du match du début à la fin, mais plus une victoire est dure à obtenir, plus elle est belle », a souligné Antoine Carpentier qui a aussi eu quelques frayeurs en observant le retour en force de Ian Lipinski et Ambrogio Beccaria. Après avoir compté jusqu’à 70 milles de retard, ces derniers sont revenus comme des diables, pour finir à 4 heures et 2 minutes des vainqueurs. « On a fait une erreur au début qu’on aurait pu gommer, sauf qu’un nuage dans le golfe de Gascogne en a décidé autrement. Après, on était un peu mal barré, surtout que ça partait par devant. On a tenté des coups et celui qu’on a fait pour sortir de la dorsale au large du cap Finisterre a été bon ce qui nous a permis de nous détacher du peloton », a raconté Ian qui a exploité la moindre occasion de revenir au score jusque dans les derniers milles. « A aucun moment on s’est dit qu’on n’arriverait pas à revenir dans le match. Cette nuit, on a tenté le tout pour le tout en essayant un coup à l’opposé de Redman et de Project Rescue Ocean, mais on savait que, sauf accident, on ne reviendrait pas plus », a commenté Ambrogio. S’ils doivent se « contenter » d’une belle troisième place, les deux hommes ont, en tous les cas frappé un grand coup en avalant 428,82 milles à la vitesse moyenne de 17,90 nœuds sur 24 heures. « On est évidemment content de ce nouveau record. Etonnement, on était loin d’être en mode « survie » car le Max 40 est vraiment à l’aise à très hautes vitesses. On a réussi à garder un confort relatif même si le bateau était très penché et soumis à beaucoup d’efforts. Au final, si on n’avait pas éclaté notre gennaker, peut-être qu’on aurait fait encore mieux… »
Texte Perrine Vangilve
Voir en ligne : Cartographie