Toute la soirée d’hier et une partie de la nuit, Alain Gautier, réfugié dans la coque centrale de son trimaran retourné, a mis en place les secours à l’aide de son téléphone Iridium. À 12h30, il revient pour la première fois sur sa mésaventure, expliquant que Loïc Gallon, le seul équipier avec lui alors sur le pont, venait de bloquer l’écoute de gennaker au winch pour aller voir, sous le vent, le safran extérieur du flotteur. Sous l’impact d’un choc, il venait de se relever à l’horizontal, devenant par la même totalement inefficace. Le vent souffle à 25 nœuds, la mer est désordonnée à cet endroit en raison de l’influence du Tage qui se jète dans la mer, 45 milles plus à l’est. La suite se visualise comme un film grand spectacle : sous l’action d’une vague, le safran de la coque centrale sort à son tour de l’eau, privant Alain Gautier de tout contrôle à la barre. Voiles bordées, le bateau se met en travers de la route et monte, monte. « Nous sommes restés assez longtemps à la verticale. Loïc a eu le temps de remonter vers le cockpit central et moi, je me suis accroché pour ne pas tomber avant le bateau, raconte Alain. Je suis tombé avec lui et j’ai réussi à sortir par l’arrière. On n’a pas grand-chose à se dire, à part s’encourager. Tout le monde sait que cela aurait pu être beaucoup plus grave ». À l’intérieur au moment du chavirage, Ellen MacArthur, Philippe Pêché et Nicolas Bérenger n’ont, eux aussi, à déplorer que quelques bosses…

Cette culbute montre, si besoin est, que la conduite de ses engins n’est pas un vain mot et que la moindre perte de vigilance peut se payer au prix fort, en équipage comme en solitaire. Stève Ravussin (Banque Covefi), à la barre du plus vieux multicoque, avouait avoir levé le pied. « C’était un peu chaud, on a fait un joli planté, alors on a passé toute la nuit sous grand-voile haute et Solent. Le vent est monté à 30 nœuds ». Même son de cloche à bord du trimaran de Karine Fauconnier (Sergio Tacchini). « La mer n’était pas cool, elle emmenait le nez du bateau dans la vague ». Yann Marilley, équipier sur Gitana, parle lui de rafales de vent à 37 nœuds, d’où une longue glissade vers le sud sous grand-voile à un ris et Solent. Jean le Cam (Bonduelle) a, comme souvent, le mot qui convient : « Si on s’est amusé ? C’est un bien grand mot quand tu apprends qu’un copain est sur le toit ».

Question choix de voilure, Jean-Luc Nélias (Belgacom) n’avait pas véritablement le choix. Privé de gennaker depuis le Cap Finisterre, un coup d’œil au classement prouve qu’il est toujours à l’affût, en 4^e position au classement de 16 heures, à 41 milles du leader Groupama. Preuve que même sous Solent, cela déboulait sec. Belgacom n’a cependant pas renoncé à son escale pour récupérer un gennaker en état de marche et en finir avec ses ennuis de drisses. Un arrêt dans le port de Gibraltar est programmé dans les prochaines heures.

Une chose est certaine, en tête de course, le vent de nord-nord-est a soufflé moins fort et tous ont déboulé avec le maximum de toile sur l’avant. « Nous n’avons jamais eu l’impression d’être dans le rouge, explique Vincent Riou (Géant). Par deux fois, pendant un petit quart d’heure, nous avons juste mis un ris dans la grand voile. Géant se comporte remarquablement bien à cette allure ». Lorsqu’il répond à la vacation radio, Franck Proffit (Groupama) est en train de passer sur la gauche du Détroit de Gibraltar où la mer, d’après lui, est censée être moins forte. Au près serré, le leader se fait quand même drôlement secouer. « Nous avons révisé toutes les gammes. Là, nous sommes sous 2 ris et foc ORC. On est prudent. Toute la journée d’hier, nous étions sous gennaker et un ris. Nous n’avons jamais vraiment planté ».

Dans son sillage, Lalou Roucayrol (Banque Populaire) ne lâche pas une miette. Invité de dernière minute, Yves Parlier se régale, même s’il vient de se faire copieusement rincer après avoir participé à une nouvelle réduction de voilure. « C’est très impressionnant ces bateaux menés en équipages, ce sont de sacrées machines. Maintenant on s’attend à faire 600 milles de près musclé ». Demain matin, hormis Thomas Coville (Sodebo), tous devraient avoir franchi le Détroit. Une nouvelle partie va commencer. Tous s’attendent à ce qu’elle soit encore plus complexe que la première. Résultat final à partir du 20 mai prochain, date probable des premières arrivées sur Rimini.

Information Nicolas Raynaud / Challenge Mondial Assistance