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Passage du Nord-Ouest à la rame : Charles Hedrich est arrivé à Pond Inlet

vendredi 18 septembre 2015Redaction SSS [Source RP]

3 saisons, 2 hivernages et 1 première mondiale... C’est mercredi 16 septembre à 22h heure française (16h heure locale) que Charles Hedrich est arrivé à Pond Inlet (Nunavut, Canada), après un périple de plus 6000 km parcourus à la force des bras sur le mythique passage du Nord-Ouest. Il devient le 1er Homme à réaliser l’exploit en solo.


L’aventure existe encore... Après Roald Amundsen, le 1er Homme à franchir le passage du Nord-Ouest en équipage 1906 et le duo Jeff MacInnis / Mike Beedel, le 1er à traverser le passage à la voile pure en 1990, Charles Hedrich devient en 2015 le 1er à réussir la performance en solo et à la rame de Béring à Baffin. Pour y parvenir, l’aventurier de 57 ans a dû faire preuve d’une ténacité démesurée et d’un esprit marin exceptionnel.

2013, une saison dans un des climats les plus rudes du Monde

Dès le départ de Wales (Alaska) le 1er juillet 2013, le ton de l’expédition est donné : la mer des tchouktches est particulièrement inhospitalière. Déjà des falaises abruptes projettent les vents (catabatiques) vers le Rameur des Glaces. Charles Hedrich progresse lentement et développe la technique de « l’arpentage » avec la mise à l’ancre pour ne pas reculer ou être jeté à la côte. Il rencontre la glace à Barrow, les ours à Kaktovik et se fait soulever par une baleine intriguée avant qu’elle le repose habilement sur la mer. Charles Hedrich a quand même douté avant de pouvoir apprécier ce contact unique... Il est finalement bloqué par les glaces à Tuktoyaktuk (Canada) après 3000 km parcourus. Le passage est fermé pour l’année, les garde-côtes recueillent les derniers voiliers en perdition.

2014, c’est la glace qui décide

Été arctique 2014, les pingos et le soleil sont très accueillants. Charles Hedrich reprend les rames là où il les avait laissées. Á bord, il retrouve ses automatismes et s’accommode bien de son intérieur d’1 m2 tout compris (chambre, cuisine, dressing...). Malgré sa taille (1.94m), il se plie en 4 et se change systématiquement pour être au sec : un rituel indispensable dans ce climat d’humidité constante.

Les paysages sont magnifiques et le contact avec la faune toujours aussi présent. Avancer à la rame, sans moteur, dans le silence, a ses avantages : les animaux viennent à sa rencontre. Des phoques joyeux accompagnent cette année Charles Hedrich sur son parcours, essayant parfois de monter à bord. Tout au long de ces côtes sauvages, il doit gérer le vent. Il est capricieux, changeant, jamais là où on l’attend et fait bouger la banquise. C’est bien lorsque le vent est absent qu’il rame le mieux. Pour avancer rapidement dans cette partie du Globe, les voiliers sont généralement au moteur. Charles Hedrich, lui, progresse à 5 km/h en moyenne à la force des bras quand tout va bien. Sur sa route, il croise des Inuits, chasseurs de caribous à proximité des villages où il fait parfois escale. Sa rusticité l’aide fondamentalement à tenir. Ramer 24h par jour n’est pas un souci pour lui tant que c’est le moyen de réussir. Il est en veille la plupart du temps et dort par sommeil flash de 10 minutes.

2014 est l’année de tous les records de glace dans le mythique passage. La saison de navigation a été réduite au minimum. Après 2000 km parcourus, Charles Hedrich hiverne à Taloyoak début septembre. Les Inuits sont sympathiques et intrigués par cet homme venu de Béring, à 5000 km de là, à la force des bras : c’est du jamais vu pour eux.

2015, la réussite de l’exploit polaire

Août 2015, Charles Hedrich s’attaque à la partie la plus nord du passage. Á peine arrivé, sur place le maire de Taloyoak a déjà tout prévu : le Rameur des Glaces est remis à flot par les villageois. Il ne faut pas perdre de temps, la route est encore longue et les conditions météo incertaines. 1000 km pour finir. Le bateau est prêt, l’aventurier aussi mais la glace n’a pas encore décidé de s’écarter. Il faut attendre. C’est le 13 août qu’il peut enfin reprendre la route mais au bout de quelques heures, c’est en mer à l’abri de la côte que Charles Hedrich est obligé d’attendre encore 7 jours et 7 nuits pour que le vent faiblisse et change de sens. Le vent de face ne se remonte pas, sauf au moteur, et l’aventurier n’en a pas. La patience et la détermination sont nécessaires.

Enfin, il se faufile dans l’ouverture laissée par la glace et le paysage change très vite. La banquise se retire. Il arrive au fameux détroit de Bellot qu’il avait déjà emprunté à bord du Glory Of The Sea en 2009 lors du 1er Tour du Monde à la voile par les 2 pôles, mais à la rame tout est différent. Cet étranglement génère des vents et des courants que le Rameur des Glaces subi. Á sa sortie, il y a même une espèce de « rapide » avec des tourbillons. Charles Hedrich gère tant bien que mal et ressort indemne direction la mer de Baffin. Plus que 500 km !

Une rencontre humaine est programmée pour le 2 septembre sur le Soleal, navire de croisière de luxe de 142 mètres de long (7 mètres pour le Rameur des Glaces). La routine du solitaire est modifiée. L’aventurier improvise une conférence pour ce public captivé et pionnier. Respectueusement remis au point de rencontre, Charles Hedrich poursuit sa route en solo. Il échappe à une attaque d’ours blanc, se fait surprendre par des icebergs d’1 km de long... La saison avance, il est dans les temps, mais il faut se dépêcher, l’hiver arrive vite dans ces régions polaires. Le vent contraire fait encore des siennes et ne veut pas le laisser progresser. Michel Meulnet, le routeur en liaison par téléphone satellite, est essentiel dans ce cas : il ne faut pas louper les rares fenêtres météo. Le soleil décline chaque jour un peu plus et ses rayons sont de plus en plus bas. Charles Hedrich ne peut plus recharger les batteries de son téléphone satellite dont le niveau ne cesse de baisser. Il ne garde que l’essentiel : un contact quotidien avec le routeur. D’autant qu’il doit encore attendre dans l’île de Bylot : 1, 2, 3, 4, 5 jours sans bouger. Une épreuve de fair-play intéressante.

Accalmie annoncée, Charles Hedrich saute sur ses rames et attaque les 35 km qui le séparent de Pond Inlet : l’arrivée. Mais pour pimenter les choses, un incendie sérieux se propage à bord. L’aventurier extirpe le réchaud grâce à des gants trempés dans l’Océan arctique. Quelques dégâts matériels dans la cabine, une main légèrement brûlée et des poils roussis. Une dernière frayeur qui aurait pu mal tourner et Charles Hedrich entame la dernière ligne droite. Quelques habitants prévenus par Facebook sont sur la plage. Ils ne sont pas victimes d’une hallucination. Charles Hedrich est bien là, après 6000 km à la rame, 165 jours de mer, 2 hivernages, un passage du Nord-Ouest dans les bras. Le changement climatique illustré par le sport et l’aventure... toute une histoire.


Voir en ligne : Info presse www.charleshedrich.com



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