Maxi-trimaran Adagio | Arkea Ultim Challenge
Eric Péron, 5e à Brest : "Je suis très fier de boucler ce tour du monde à la cinquième place"
mercredi 13 mars 2024 –
Franchir la ligne d’arrivée à bord de son ULTIM ADAGIO après 66 jours, 1 heure, 14 minutes et 27 secondes de mer d’une circumnavigation combative et maîtrisée est une immense victoire pour le Finistérien. Cinquième sur les six engagés à retrouver le public brestois, Eric Péron sera fêté à la hauteur de cette performance : il rentre dans le club prestigieux des onze marins à avoir bouclé dans l’histoire un tour du monde en solitaire en multicoque. L’étoffe des héros.
C’était hier, c’était il y a une éternité ! Célébrés comme des astronautes au départ d’un vol spatial, chaque skipper rejoignait son bateau au petit matin du 7 janvier sur le quai Malbert de Brest. Premier à quitter le ponton, Eric Péron partait un peu plus que ses camarades dans l’inconnu. Après trois mois à raturer des jobs lists, une grande page blanche s’ouvrait pour le skipper de l’ULTIM ADAGIO, l’ex-Géronimo, né en 2001, refondu en 2013 et récupéré trois mois plus tôt.
Ce jour-là, Eric Péron ne comptait pas plus de 10 jours de navigation à son bord pour sa qualification et quelques sorties techniques. L’ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest était sa première course en ULTIM, son premier tour du monde en solitaire aussi !
Mise en orbite
Petit poucet chez les géants, Eric ne pouvait compter que sur son sens marin et l’expérience de vingt ans de course au large tous azimuts, pour trouver le meilleur tempo, la meilleure route, bref faire de l’ULTIM ADAGIO son compagnon, son double pour retrouver derrière le goulet de Brest, la civilisation. « Je serai soulagé au Pot au Noir », disait alors le skipper, conscient que son jardin de l’Atlantique Nord serait un SAS de décompression avant sa mise en orbite autour de l’Antarctique. Dix jours plus tard, Eric avait pris ses marques, passé sa première dépression en faisant le dos rond, et s’apprêtait à réaliser de belles journées en bordure de l’anticyclone de Sainte-Hélène. Coup du sort, son avarie de safran le contraignait à relâcher à Cape Town, escale technique autorisée par le règlement à laquelle aucun des six skippers engagés n’a échappé et à laquelle le team Adagio a répondu présent dans un temps record. Après tout juste 24 heures, le minimum obligatoire, Eric reprenait la mer avec un trimaran à 100% de ses capacités.
Les joies et les peines
Le skipper rentrait vraiment dans le Sud, avec ses joies et ses peines. La peine, ce fût l’océan Indien où la conjonction du pit stop de Cape Town et une dépression tropicale imposaient une route Nord, pas vraiment inscrite dans les livres de cet océan vicieux et mal pavé. Eric découvrait aussi l’ingratitude de la course en deuxième rideau où seuls les initiés savent que chaque mille se gagne, que la distance aux leaders, si grande soit-elle, ne signifie jamais le relâchement sur ces bateaux capables de performances exceptionnelles mais qui supposent un investissement physique, une attention constante et une résistance au stress hors normes.
La joie, c’est d’avoir réalisé une traversée du Pacifique presque parfaite, signant au cap Horn le meilleur temps de la course (9 jours, 15 heures, 50 minutes et 10 secondes), avec des enchaînements impeccables pour rester devant les dépressions australes.
Et comme la course au large en solitaire est toujours un yoyo émotionnel, la remontée de l’Atlantique Sud alternait méchantes dépressions et pétole tenace, un vrai supplice pour Eric lancé à la poursuite d’Anthony Marchand qui le précède à Brest.
Histoire de générations, question de personnalité
Constater qu’Eric Péron coupe la ligne d’arrivée à Brest « seulement » 15 jours derrière le vainqueur Charles Caudrelier a-t-il un sens ? Même si les aléas techniques et météo de chacun ont été différés dans le temps, ce delta de 30% est conforme à l’écart de générations entre les deux, mais certainement pas supérieur. La juste confirmation du bond prodigieux entre un ULTIM volant qui peut marcher à 40 nœuds et un trimaran archimédien qui plafonne à 30. Eric le savait au fond de lui avant le départ, mais le compétiteur a sans doute eu du mal à se l’avouer, cravachant sans cesse et ne lâchant rien pour rester dans le match qu’il s’était fixé.
Reste aussi de ce tour du monde l’immense bonheur, la fierté du marin capable de mener un des plus grands bateaux de la planète qui, tout archimédien soit-il, peut chavirer avec 15 nœuds de vent et réclame un savoir-faire et une attention peu communs. Mais aussi la reconnaissance d’avoir été bien accompagné par une équipe dévouée, attachée à lui permettre de partir dans les meilleures conditions possibles et lui apporter toutes les solutions et l’appui nécessaires dans cette immense épreuve en solitaire. Une aventure extraordinaire qui n’aurait pas été possible sans le soutien de sponsors engagés et solidaires : Adagio, leader européen de l’appart’hôtellerie qui a pris les devants en septembre en devenant partenaire titre ; French Touch Oceans Club, collectif d’entreprises qui défendent le savoir-faire français et soutien historique du skipper ; et la manufacture horlogère suisse Alpina, chronométreur officiel de ce tout premier tour du monde en ULTIM et dont Eric Péron est devenu ambassadeur pour les valeurs communes qu’ils partagent.
Et puis la joie de partager une aventure qui a le sel des grandes premières. Des six marins engagés, Eric est celui qui a probablement le plus communiqué depuis son bord, multipliant interviews, rencontres avec les écoles et ses partenaires, ne comptant jamais son temps et répondant inlassablement présent aux multiples sollicitations.
Tenace, direct, combatif et endurant, c’est en ces mots que tous ceux qui ont échangé avec Eric ont découvert ou retrouvé ce skipper attachant qui revient à Brest la tête haute, se donnant raison d’avoir cru en lui.
Ils ont dit :
Eric Péron, skipper de l’ULTIM ADAGIO : « Je suis très fier de boucler ce tour du monde à la cinquième place vu les clients autour de moi et le potentiel de leur bateau. Fier de rentrer dans ce cercle très fermé des skippers qui ont réalisé un tour du monde en multicoque en solitaire. Et fier de comment on a mené ce tour du monde avec mon équipe ! Ce n’était pas simple, il y a eu des péripéties, de la casse, des réparations et des bons moments aussi. Il y a même eu un temps de référence sur le Pacifique, avec un bateau qui est 30% moins rapide que les bateaux qui volent. C’était une performance d’avoir des moments de gloire comme celui-là !
Ça a été une épreuve pour moi dans plein de domaines de passer 65 jours en mer. J’ai appris plein de choses, j’ai appris sur moi. Je suis maintenant assez confiant, il y a des choses que je suis venu chercher et que j’ai trouvées. C’était une quête pour moi de vivre ça. Après tant d’années de préparation en tant que marin, j’y suis arrivé, j’ai fait ce que je voulais faire. Il y a des moments où j’en ai bavé, mais je me disais que j’étais chanceux et que je n’avais pas le droit de me plaindre. Quand on relativise comme ça, on peut soulever des montagnes.
Ce tour du monde s’est fait au forceps sur la mise en place, ça s’est fait très tard. Je suis hyper fier de ce qu’on a pu réaliser en tant qu’équipe pour monter et gérer un projet d’une telle ampleur en si peu de temps. Ça aussi c’est une super performance ! Chaque personne du team, de la technique à l’opérationnel en passant par la com, tous ont œuvré pour que tout se passe bien. Donc bravo à eux !
Enfin, un immense merci à tous les sponsors qui se sont investis dans cette aventure. Pour raconter de belles histoires comme ça, il faut oser. Il faut prendre le risque de les écrire à plusieurs. Même si j’étais tout seul sur mon ULTIM ADAGIO, j’étais gonflé à bloc par les messages de soutien de tous les collaborateurs des entreprises qui me soutiennent. »
La course d’Eric Péron à bord de l’ULTIM ADAGIO en chiffres :
– Arrivé Mercredi 13/03 à 14 heures 44 minutes 27 secondes
– Temps de course : 66j 1h 14 min 27 sec
– Milles parcourus : 29 107,65 milles
– Vitesse moyenne réelle : 18,36 nœuds
– Vitesse moyenne sur l’orthodromie : 15,33 nœuds