Bilan course
Arkea Ultim Challenge : les gagnants et les perdants de la 1re course autour du monde en trimaran
mercredi 27 mars 2024 –
Le 13 mars 2024, la première course autour du monde en solitaire à bord de multicoques de la Classe Ultim (trimarans de 32 mètres de long pour 23 mètres de large) s’est terminée avec l’arrivée d’Eric Péron, 5e des 6 concurrents à être partis de Brest. Si aucun skipper n’est finalement parvenu à boucler le tour sans faire d’escale et, par conséquent, sans battre le record de François Gabart, cette grande première a atteint ses objectifs. Mais quels sont les gagnants et les perdants de ce Vendée Globe version trimarans volants ?
Gagnant : Charles Caudrelier
Grand favori avant le départ de la course, Charles Caudrelier a été à la hauteur de sa réputation. Challengé par Tom Laperche jusqu’au Cap de Bonne Espérance, le skipper du Gitana Team a déroulé sagement son tour du monde quand son principal concurrent a fini sa course, le fond de sa coque centrale déchiré suite à un choc avec un… ofni (sic). Disposant alors d’une confortable avance, le cinquantenaire (la veille de son arrivée) a géré les nombreux dangers et la météo capricieuse jusqu’aux Açores où il a du faire sagement escale avant de rallier Brest après 50 jours et 19 heures de course. Charles Caudrelier entre ainsi dans l’histoire de la course au large comme premier vainqueur d’une course autour du monde réservée aux multicoques de moins de 32 mètres. Bravo. Cerise sur le gâteau, le Gitana Team lance la construction d’un nouveau trimaran volant pour défendre son titre sur la prochaine édition.
Perdant : Armel Le Cléac’h
Les grands favoris avant le départ étaient Caudrelier, Laperche et Le Cléac’h. Laperche a abandonné sur casse. Caudrelier a gagné. L’ancien vainqueur du Vendée Globe est donc le perdant de ce trio qui disposait des machines les plus récentes du plateau. Troisième après deux escales techniques, le navigateur Breton au palmarès exceptionnel aurait pu rentrer à Brest la queue du Chacal entre les jambes. C’est pourtant avec un grand sourire qu’il est rentré en mer d’Iroise. Le Chacal n’a rien lâché, fidèle à sa réputation. Cette défaite au classement devient une victoire quand il s’agit de parvenir à boucler un tour du monde en solo à bord de ces engins. Cette 3e place apporte aussi une éclaircie au team lorientais qui est toujours preneur de gain en popularité depuis les affaires Crémer 1.0 et 2.0.
Gagnante : la classe Ultim
La classe Ultime promettait ce tour du monde depuis longtemps. C’était même sa raison d’être. L’affaire semblait pourtant impossible tant il semblait contre nature de mener en solitaire un trimaran volant de 32 mètres de long. Mais les progrès technologiques de gestion de vol ont été tels grâce aux recherches entreprises par les teams que 5 des 6 concurrents y sont parvenus. Certes, ils ont tous du faire escale et le record absolu n’est pas tombé. C’est quand même une grande victoire pour la jeune classe de la course au large qui doit désormais entrer dans la maturité avec de nombreux champs de développement comme l’augmentation du nombre de bateaux, l’internationalisation et la féminisation de ses concurrents. Et aussi, réussir à organiser une autre édition. Nombreuses sont ces course autour du monde restées sans réédition.
Perdant : Team SVR-Lazartigue
Si François Gabart a conservé son record autour du monde en solitaire, le skipper originel du trimaran SVR-Lazartigue n’a pas réussi son tour du monde par procuration. Tom Laperche, le jeune skipper qui a pris le départ de Brest n’a pas démérité, jouant la première place avant de finir sa course avant le Cap de Bonne Espérance la coque centrale du trimaran bleu éventrée après un choc. L’équipe concarnoise est finalement la seule à ne pas terminer le tour du monde. Une arrivée à Brest aurait pourtant fait du bien à Gabart, Laperche et tous ses membres de l’équipe qui avaient du revoir la conception de leur cockpit suite à une bronca des autres skippers de la classe Ultim. Remis de force en conformité avec la jauge (définie par les skippers eux-mêmes), le foiler géant s’est offert une polémique à la suite de l’accident qui a causé la voie d’eau. Choc avec un ofni avait dit le skipper. Avec un cétacé l’avait contré Sea Shepherd. Le bateau est finalement rentré en cargo en Bretagne sud. Reste à réparer et préparer de nouveaux projets. La mise au point d’un Ultim peut-être très longue. Leurs amis du Team Banque Populaire peuvent en témoigner.
Gagnant : Thomas Coville
Avec ses 55 ans, le skipper du trimaran Sodébo était l’aîné de la course autour du monde. Malgré cet âge canonique dans le sport professionnel, Thomas Coville, maître es-tours du monde et maxi-multicoques, n’était pas parti de Brest pour faire de la configuration ou une tournée d’adieux. S’il ne disposait pas d’un multicoque aussi pointu que ses 3 principaux concurrents, le Trinitain savait qu’il avait une carte à jouer. Et il s’en est parfaitement servie pour ravir cette deuxième place. Amariné à l’école de de Kersauson, à des années lumières de la génération Solitaire du Figaro, Thomas Coville a obtenu sa 10e boucle d’oreille en or après un nouveau passage du Cap Horn, souvent en solitaire. Avec un palmarès qui compte désormais aussi cet Arkéa Ultim Challenge, Coville est bien la référence du multicoque moderne.
Perdante : la féminisation de la course au large
Six concurrents, que des Français, pas une femme. Une grande course au large peut elle toujours être lancée sans participante ? L’Arkéa Ultim Challenge l’a montré. On croyait pourtant cela plus possible en course au large alors qu’organisateurs et teams ont fait de gros progrès depuis peu de temps. Si cette course est une réussite, elle présente ainsi une grosse lacune. S’il y a une prochaine édition, il serait impensable qu’il n’y a pas de femme skipper au départ. La balle est dans le camp de la classe, des organisateurs et de ces teams qui ont beaucoup de mal à donner une chance aux femmes skippers. Mais il y a quand même de l’espoir avec le projet d’équipage féminin sur le Trophée Jules Verne d’Alexia Barrier ou le trimaran de 50 pieds confié à une femme par le team de François Gabart.
Gagnants : Anthony Marchand et Eric Péron
Cinq concurrents sur 6 sont parvenus à boucler cette course autour du monde à la barre des voiliers les plus rapides de la planètes. Anthony Marchand, placé à la barre du trimaran Actual par Yves Le Blévec (skipper originel du voilier) a plus que rempli sa mission en terminant 4e. Quant à Eric Péron, il est parvenu à boucler un budget pour récupérer un trimaran d’ancienne génération et terminer 5e. Ces deux marins étaient des bizuths des tours du monde en solitaire. Membre de la confrérie des anciens de la Solitaire du Figaro, ils ont montré une fois encore la performance de cette filière de la course au large à la française.
Perdant : le Vendée Globe
Le Vendée Globe n’est plus la seule course autour du monde en solitaire à la voile pour les professionnels. La mythique course lancée par Philippe Jeantot en 1989 a désormais une concurrente, l’Arkéa Ultim Challenge. Brest a défié Les Sables d’Olonne et, en voyant revenir à son port 5 de ses 6 concurrents, la cité bretonne a rempli sa mission. Sur le papier en tout cas. Car il y a du chemin à parcourir avant de rivaliser avec le tour du monde en monocoque qui lancera en novembre sa 10e édition. Et si l’image du Vendée Globe et de la classe Imoca s’est un peu écornée avec les affaires Escoffier et Crémer, le tour du monde en monocoque reste le seul à ne classer que les concurrents (professionnels, si on considère la Golden Globe 2.0 plutôt dédiée aux amateurs) à terminer sans faire d’escale et, plus ou moins, sans assistance.
CG