Trophée Alain Colas
François Gabart : "je suis hyper fier de mon tour du monde, je n’ai pas fait beaucoup de bêtises"
dimanche 17 décembre 2017 –
42 jours 16 heures 40 minutes et 35 secondes, tel est donc le nouveau record du tour du monde en solitaire, propriété depuis ce dimanche 17 décembre, 02h45 du matin, de François Gabart. Accueilli triomphalement à Brest dans la matinée, le skipper du trimaran MACIF, malgré un état de fatigue avancé, est longuement revenu sur sa formidable odyssée.
Dans quel état termines-tu ce tour du monde ?
François Gabart : « Je suis cramé, tout simplement, et ce n’est pas que depuis cette nuit, ça fait depuis quelques semaines que c’est vraiment dur. J’ai mal, je souffre dès que je lève les bras, mais je tiens avec l’adrénaline et l’euphorie. »
Te sens-tu porté par la ferveur que t’a réservé le public brestois, venu t’accueillir en nombre ?
FG : « C’est sûr qu’aujourd’hui, je me suis fait littéralement porter par plein d’émotions, par cette présence qui m’a aidé à tenir. Voir tout ce monde, tout cette énergie humaine, ça fait un bien fou, après avoir vu si peu d’humains pendant 42 jours. Il y a un côté un peu brutal, ça surprend, mais c’est merveilleux. Je suis un marin solitaire, je ne suis pas inquiet de partir quelques jours tout seul, mais je pense que je suis profondément social, j’ai besoin des gens, donc ça fait plaisir. »
Au cours de ces 42 jours et 16 heures de mer, on t’a parfois entendu ou vu très ému, est-ce parce que l’exercice est particulièrement dur ?
FG : « C’est plus lié au fait que sur un record, il y a des choses que tu acceptes de dire et de partager que tu ne peux pas dire en course. Les émotions sont évidemment d’une intensité exceptionnelle, mais la différence se situe plus au niveau de cette façon de communiquer. Là, je pouvais tout partager, ça ne changeait rien sur le temps à battre, puisque quelque part, l’adversaire était figé. C’est génial de faire un tour du monde, et c’est d’autant plus beau quand ça interagit avec plein de monde, avec des gens qui vivent un peu par procuration ce que tu vis. »
Comment as-tu vécu le fait de te battre contre un chrono et non pas contre des concurrents ?
FG : « J’en avais vraiment envie et j’ai trouvé hyper intéressant de me prêter à cet exercice, parce que sur un record, tu es obligé d’aller beaucoup plus loin dans la recherche de sensations et dans la compréhension de ton bateau. Ce qui est différent aussi, c’est la façon d’appréhender la préparation : quand je préparais une course, avec tous les entraînements dans la structure du Pôle Finistère, c’était assez facile de savoir où j’en étais, de connaître mes points faibles pour progresser. Alors que quand tu prépares ce record, tu ne sais pas où il faut aller, tu pars d’une feuille blanche, cette démarche est intéressante. Enfin, il y a le moment du départ qui est très particulier : il n’y a que toi pour décider, et mine de rien, ce n’est pas simple, d’autant plus que le choix est stratégique. Humainement, c’est super fort. Tu ne peux pas te préparer mentalement comme tu te prépares à un départ de course, tu ne sais pas si tu pars le 22 octobre ou le 15 janvier, tu avances dans le flou. Et en quelques heures, tu vois un truc qui se dessine et c’est le branle-bas de combat pour partir faire un tour du monde. Ça, c’est d’une intensité encore plus forte que sur les courses. Ce sont des moments de vie nouveaux, c’est ça aussi que je suis venu chercher, j’ai été servi. »
As-tu eu peur pendant ce tour du monde ?
FG : « Oui, j’ai eu un peu peur quand j’ai vu l’iceberg dans le Sud, ça m’a surpris. Tu as beau être dans l’action, dans lesheures qui suivent, tu te dis : « Qu’est-ce que je peux faire alors qu’il fait nuit 4 heures plus tard ? » Il y a un côté passif, fataliste, tu ne peux rien faire. En plus, tu es en plus dans un coin du monde, par 60° Sud, où, si tu tapes quelque chose, il n’y a rien. Si un bateau doit venir, il arrive trois semaines après. Donc je suis content d’être parti, et en même temps, a posteriori, maintenant que je suis là, je suis super content d’avoir vu un iceberg, c’est extraordinaire. Je m’étais toujours dit que, parmi les choses à cocher dans ma vie, il y avait le fait de voir des icebergs, mais je pensais plutôt le faire plus tard, à la retraite, avec un bon bateau en Géorgie du Sud, je n’avais pas prévu de voir un iceberg en record en allant à 35 nœuds... Ça s’est heureusement bien passé, mais ça a rajouté un peu d’intensité et d’émotions fortes. »
Dans quel état est le trimaran MACIF ?
FG : « D’après ce que j’ai vu, le bateau arrive dans un super bon état. On va vérifier, mais je n’ai rien vu de grave, a priori, tout tient, alors que ça a sacrément tapé fort, c’était assez violent. Ce bateau a été merveilleusement bien fait. Jusqu’à cette année, on avait régulièrement des petits problèmes, je pense qu’il fallait ces deux ans de fiabilisation pour faire un tour du monde, cette approche de se donner deux ans était sage et raisonnable. Je suis hyper fier de ce bateau-là et du travail fait avec l’équipe, c’est juste génial car nous sommes partis d’une feuille blanche. Il y a quatre ans, le cahier des charges, c’était de tourner autour de la planète le plus vite possible en solitaire, avec un budget et une date de mise à l’eau, point. On pouvait vraiment partir dans tous les sens, on aurait pu faire un catamaran, un bateau de 50 mètres de long, il y a eu beaucoup de réflexions avec l’équipe, je pense que nous avons plutôt fait des bons choix. J’ai une super équipe autour de moi, engagée comme jamais, passionnée, hyper méticuleuse, c’est une fierté collective que je partage avec toute l’équipe et avec la Macif. »
Avant le départ, tu disais que ce record allait être compliqué à battre, tu le bas de plus de 6 jours, as-tu été trop modeste ?
FG : « Je me suis peut-être un peu trompé, mais je pense toujours que ce record était difficile à battre. Il y avait trois paramètres pour y arriver : un bon bateau, bien naviguer et de la réussite. Peut-être qu’il n’y avait qu’une fenêtre pour partir cette année, le 4 novembre entre 8 et 11 heures du matin. Cette fenêtre n’était pas forcément extraordinaire au départ, mais elle l’est devenue, j’ai eu ma bonne étoile. Après, il fallait tenir le rythme et je suis hyper fier de mon tour du monde, je n’ai pas fait beaucoup de bêtises. Et en même temps, je me dis qu’il y a encore moyen d’augmenter le niveau de jeu et d’aller beaucoup plus vite. Et ça, c’est hyper motivant, ça garde le challenge toujours en place, il y a encore plein de choses à faire et imaginer pour naviguer vite sur ces bateaux. »
– Info presse Windreport / www.macifcourseaularge.com